COP28 : n’oublions pas le méthane

 

Tribune parue dans Les Echos, le 27/11/2023

Aux Etats-Unis, le potentiel de réduction est considérable, car le boum de l’exploitation des gaz de schiste a été favorisé par un assouplissement des règles environnementales. En Europe, la majorité des fuites de méthane résultant de l’usage du gaz se situe en dehors du territoire, lors de son extraction à l’étranger puis de son transport jusqu’aux frontières. Le règlement européen comporte donc un volet interne, qui entrera en application à partir de 2025, mais aussi un volet relatif aux importations, à compter de 2027.

Longtemps angle mort des politiques climatiques, le méthane a fait l’objet d’une initiative à la COP de Glasgow voici deux ans, avec un objectif affiché d’en réduire les émissions de 30 % d’ici à 2030. Les Etats-Unis ont, en conséquence, adopté une réglementation limitant les rejets par leur industrie énergétique. L’Union européenne vient de suivre, à quelques jours de la COP28, à Dubaï.

Fuites éliminables

Cela va dans la bonne direction. On estime que les rejets de méthane par l’industrie des fossiles représentent 40 % des émissions mondiales. Pour les trois quarts, elles proviennent des fuites lors de l’extraction et du transport de gaz. Pour un quart, elles interviennent dans les mines de charbon.

Contrairement au CO2, qui résulte de l’utilisation de combustibles à l’origine de 80 % de l’énergie consommée dans le monde, les rejets de méthane ne fournissent aucun service énergétique aux sociétés. Il s’agit de fuites, dommageables pour le climat mais éliminables en prenant les précautions requises.

Cela a toutefois un coût, pas très élevé, que les entreprises ne sont pas spontanément prêtes à couvrir en l’absence de régulation. Aux Etats-Unis, la réglementation comporte un dispositif de tarification des fuites, avec des quotas cessibles. L’UE a opté pour une voie purement réglementaire.

Une action rapide sur le réchauffement

Le méthane a un pouvoir de réchauffement sur cent ans qui est 30 fois supérieur au CO2. Une fois dans l’atmosphère, il met douze ans à être éliminé, par réactions chimiques. Réduire les émissions de méthane a donc un effet particulièrement rapide sur le réchauffement : si on éliminait tous nos rejets de méthane, on effacerait en dix grosses années toute l’empreinte anthropique sur son stock dans l’atmosphère.

Le risque est toutefois que les initiatives sur le méthane détournent de l’essentiel : la réduction massive de l’usage du charbon et du gaz, pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2 °C. En moyenne, les fuites de méthane ne représentent que 15 % des émissions liées à l’usage du gaz, contre 85 % pour le CO2 rejeté lors de sa combustion. Il ne faudrait pas que les réglementations sur le méthane alimentent la petite musique des lobbies pétroliers sur « le gaz énergie de transition » qu’on peut continuer à développer.

En outre, l’avancée réglementaire a des limites. D’abord, elle n’inclut pas la première source d’émission anthropique de méthane, qui n’est pas le carbone fossile mais le carbone vivant. Quelque 60 % des rejets mondiaux de méthane proviennent des systèmes de production agricole auxquels s’ajoute la gestion des déchets organiques.

La réduction de ces émissions passe ainsi par une double transformation des systèmes agricoles et alimentaires, bien plus complexe à entreprendre que la traque aux fuites des gazoducs, champs d’exploitation gaziers et autres mines de charbon.

Accroissement inquiétant du stock

Deuxième limite : une partie des rejets de méthane ne provient pas de sources anthropiques mais de la nature. Le méthane est en effet produit par la fermentation anaérobique (sans oxygène) des matières organiques. Cette fermentation peut s’opérer dans l’estomac des ruminants, dans les décharges, les rizières ou dans les zones humides.

Depuis plusieurs années, l’Organisation météorologique mondiale alerte sur le rythme d’accroissement du stock de méthane dans l’atmosphère. Son rapport récent montre qu’il est deux fois plus rapide que celui du stock de CO2. Cela ne provient pas d’une accélération des rejets anthropiques, mais de l’amorce d’une rétroaction climatique : le réchauffement accélère la production et les rejets de méthane dans les zones humides.

Demain, s’il n’est pas freiné, le réchauffement pourrait aussi libérer de grandes quantités de méthane aujourd’hui piégées dans les sols gelés ou au fond des océans, en produisant de véritables « bombes climatiques ». Malgré les récentes avancées, les questions soulevées par les rejets de méthane sont loin d’être épuisées.

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