
La question des prix garantis semblait close depuis la réforme de la PAC de 1992 renonçant à cette forme de soutien agricole. Elle a été remise au goût du jour par le mouvement des agriculteurs, avec le soutien inattendu d’Emmanuel Macron.
Le Président n’avait probablement pas en tête de remettre en place des organisations de marché datant de plus de 30 ans, mais plutôt de calmer les esprits en satisfaisant une revendication de la Confédération paysanne : garantir des prix couvrant les coûts de production à la ferme.
Garantie de prix ou garantie de revenu ?
Dans une économie de marché, une telle garantie ne peut être apportée que par la puissance publique. Cela pose une question cruciale : quel coût doit-on couvrir ? Si on se réfère au coût moyen (ou médian), l’instrument ne protège pas les agriculteurs les moins performants, les plus exposés au risque de déclassement. Faut-il se référer au coût marginal ? Cela alourdit fortement la facture car on finance alors une rente aux agriculteurs les plus efficaces en renforçant leur position face aux plus vulnérables.
Le prix garanti est socialement injuste et incite au productivisme. Plutôt que sa réintroduction, il faudrait utiliser deux types d’instruments pour améliorer les revenus agricoles sans renoncer à la transition agroécologique.
Plutôt qu’un prix minimum, on peut viser la garantie d’un revenu, calculé par actif, mieux par ménage agricole. Une telle mesure irait directement au but, sans distordre les prix et le fonctionnement des marchés. Mais pourquoi limiter le bénéfice d’un tel revenu d’existence aux familles agricoles ? Une telle réforme ne prendrait son sens que si elle était introduite au plan national, en particulier pour assurer la parité entre le monde agricole et le reste de la société. Ceci n’exclut pas des expérimentations locales pour tester l’instrument.
Des prix écologiquement juste
Une autre voie est de garantir des prix écologiquement justes, en redistribuant la masse des soutiens agricoles, notamment ceux de la PAC, au prorata des services rendus par les agriculteurs grâce aux pratiques agroécologiques. Les expérimentations de paiements pour services écosystémiques et de compensation carbone permettent de tester la valeur des externalités positives à rémunérer. Ils sont l’un et l’autre perfectibles. Si on était capable de tarifer correctement ces valeurs pour guider les soutiens agricoles, les milliards de la PAC n’apparaîtraient plus comme des aides, mais comme une composante de la rémunération due aux agriculteurs pour services rendus.
Il est un domaine où le prix écologiquement juste serait particulièrement utile : celui des phytosanitaires. Le Nodu est un indicateur synthétique mesurant la quantité de substances nocives pour le vivant utilisée sur les exploitations. On devrait le coupler à une tarification rémunérant les pratiques réduisant l’usage de ces substances. Le Nodu ne serait alors plus une norme imposée par les bureaucrates mais un instrument de valorisation des pratiques agroécologiques vertueuses. On pourrait alors le réintroduire, après simplification, à la place de l’indicateur européen HRI1 considéré comme moins pertinent par la communauté scientifique.