Aide publique au développement : le grand rétropédalage

En matière d’aide publique au développement (APD), l’affaire semblait plutôt bien engagée depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron. Entre 2016 et 2022, les montants décaissés par la France ont progressé de plus de 50 % en termes réels, passant de 0,38 à 0,56 % du Revenu National suivant le décompte de l’OCDE. S’inscrivant dans cette dynamique, la loi de programmation d’août 2021 projetait d’atteindre 0,7% dès 2025, conformément à l’objectif fixé pour les pays riches par l’Assemblée générale des Nations-Unies en… 1970 !

Le rétropédalage a été amorcé dès 2023, avec le recul d’un peu plus de 10% du pouvoir d’achat de l’APD. A 0,50% du Revenu National, la France est alors tombée au onzième rang des pays donateurs suivant ce critère. Simultanément, le gouvernement a reporté l’objectif de 0,7% à 2030. La loi de finances adoptée fin 2023 a enfin gelé pour l’année 2024 les crédits de l’APD : un recul de l’ordre de 2,5% et termes réels compte tenu de l’inflation anticipée.

Le rétropédalage s’est amplifié en 2024 avec le gel, par décret, de 10 milliards d’euros des crédits de paiement autorisés par la Loi de finances initiale. Le rabot a été particulière sévère pour l’APD qui a perdu 13% de ses moyens budgétaires en 2024 (hors inflation), soit 742 millions. Aucune autre politique n’a subit une telle entaille. Il est vrai qu’on s’expose moins en rabotant ce type de crédits car les bénéficiaires n’ont pas les moyens de descendre dans la rue pour manifester leur désarroi.

L’incertitude pèse sur le projet de Loi de finances pour 2025, premier examen de passage du gouvernement de Michel Barnier. Les lettres de cadrage transmises par le gouvernement Attal prévoient un nouveau recul, de près de 20 %, des moyens budgétaires dédiés à l’APD. Si le nouveau gouvernement s’engageait sur une telle voie, l’effort national, mesuré en % de la richesse produite, pourrait retomber en dessous de son niveau de 2016. Le pays effacerait en trois ans les avancées réalisées entre 2016 et 2022.

L’aide publique au développement plonge alors que les besoins du Sud n’ont jamais été aussi élevés : L’aggravation de conflits régionaux (Soudan et Palestine en particulier) menace de tourner à la crise sanitaire et alimentaire. Le Sud est de plus en plus affecté par les impacts du réchauffement climatique. Pour l’aider à faire face, il faut accroître massivement les transferts financiers depuis le Nord. La prochaine COP sur le climat et celle sur la désertification ne manqueront pas de le rappeler.

Le grand rétropédalage en matière d’aide au développement n’est pas seulement condamnable au plan éthique. Il joue également contre nos propres intérêts. Les économies réalisées sur le dos de nos partenaires vont affecter la crédibilité de nos engagements, affaiblir notre diplomatie et couper nos entreprises de marchés émergents. En matière d’aide au développement, il y a urgence à changer de cap en donnant un bon coup de pédales dans la bonne direction.  

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Complément statistique

Le graphique de haut de page illustre l’article paru dans Les Echos. Il montre l’évolution de l’aide publique au développement au sens de l’OCDE, exprimée en % du Revenu National. C’est le thermomètre habituellement utilisé pour mesurer « l’effort national » de chaque pays et la distance relativement à l’objectif, assigné en 1970 aux pays riches, d’atteindre 0,7% du Revenu National.

Jusqu’en 2023, nous reprenons les chiffres de l’OCDE (encore provisoires pour 2023). En 2023, seuls 4 pays atteignent ou dépassent le seuil de 0,7% ; la France dépasse le ratio moyen des pays donateurs (0,5% du RN contre 0,36%), mais elle est retombée à la onzième place du classement.

Pour les années 2024 et 2025, nous avons retenu une hypothèse de baisse annuelle de 10% de l’APD en valeur et des augmentations du RN de 4 et 3 % en termes nominaux. Pour l’année 2025, il ne s’agit pas d’une prévision, mais d’une simulation montrant où conduirait la poursuite du rétropédalage amorcé en 2023.

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