COP biodiversité, climat, désertification : des enjeux interdépendants

Tribune parue le 22/10/2024

Les COP sont souvent associées aux rendez-vous annuels sur le climat. Chacun a souvenir de la COP21 qui a vu en 2015 l’adoption de l’accord de Paris. Il y a pourtant autant de COP que de traités onusiens sur l’environnement. Acronymes de Conference of the Parties, elles en sont les organes de décision.

Hasard du calendrier, les COP sur la biodiversité, le climat et la lutte contre la désertification se tiennent toutes les trois d’ici à la fin d’année. La 16e édition de la COP sur la biodiversité a ouvert le bal en Colombie le 21 octobre. Elle doit faire un premier point d’étape sur la mise en œuvre du« pacte de Kunming-Montréal », adopté il y a deux ans à la COP15.

Cloisonnement des enceintes de négociation, interdépendance des enjeux

Deux sujets épineux y seront abordés : l’avancement de l’objectif mondial de porter les aires protégées à 30 % des surfaces totales, et la mise en place de financements internationaux de 20 milliards puis 30 milliards de dollars par an pour aider les pays du Sud à freiner l’érosion de leur biodiversité.

Accroître les financements vers le sud ? Ce sera le principal enjeu de la COP29 sur le climat qui se réunit en Azerbaïdjan deux semaines plus tard, du 11 au 22 novembre. L’accord de Paris stipule en effet qu’un nouvel objectif de financement climatique doit se substituer à partir de 2025 à celui existant (100 milliards de dollars par an entre 2020 et 2024).

Il s’agit certes de « financements climat ». Mais nombre de ces financements agissent à la fois sur le climat et sur la biodiversité : l’arrêt de la déforestation tropicale et la protection des tourbières sont par exemple des objectifs climatiques régulièrement rappelés. Leur atteinte permettrait de sauvegarder des réserves sans équivalent de biodiversité remarquable.

Du 2 au 13 décembre, la COP16 sur la lutte contre la désertification se tiendra en Arabie saoudite. Son champ dépasse les déserts au sens strict du terme : il s’agit de combattre la dégradation des sols et d’accroître la résilience des populations des zones arides face aux impacts du réchauffement climatique.

Le lien avec le climat est donc patent, comme celui avec la biodiversité : quand on restaure un sol, on reconstitue sa biodiversité souterraine qui nous est invisible mais qui est pourtant indispensable à la reproduction du vivant. Malgré leurs multiples interactions, biodiversité, climat et désertification sont traités dans des enceintes séparées au sein des Nations unies.

Au cœur de l’action : la reconversion des systèmes agricoles

L’efficacité des actions à mettre en place face à ces menaces globales dépend pourtant de la prise en compte de ces interactions. Les forêts tropicales humides sont concernées au premier chef par l’extension des aires protégées discutée en Colombie. Sur le papier, la plupart des massifs sont déjà théoriquement protégés par des législations censées limiter ou interdire les accès humains, la forme classique des politiques de conservation.

Cela reste cependant inopérant tant qu’on n’agit pas sur les causes de la déforestation, qui sont majoritairement agricoles. C’est l’une des grandes leçons de l’expérience du Brésil, qui est parvenu, à la fin de la décennie 2000, à diviser par quatre le rythme de sa déforestation en contrôlant les défrichements provoqués par les activités d’élevage bovin et de culture du soja.

En Côte d’Ivoire, l’expansion inconsidérée de la culture de cacao a aisément franchi les barrières réglementaires. La reconquête des massifs forestiers passe en premier lieu par la reconversion des systèmes agricoles. La forêt classée du Haut-Sassandra a par exemple perdu 95 % de son couvert forestier initial.

Le projet de reconquête lancé sous l’égide du gouvernement vise un retour progressif des peuplements initiaux d’arbres et d’espèces natives dans 70 000 hectares de forêt rénovée. Cela passe par la reconversion progressive des producteurs de cacao, qui concentreront à terme leur activité productive, basée sur de l’agroforesterie respectueuse de l’environnement, sur une zone tampon de 30 000 hectares protégeant la forêt centrale.

Pour financer ce type de projet, il faut des instruments innovants qui donnent une valeur aux externalités positives générées : celles sur le climat mais également celles provenant de la reconquête de la biodiversité locale.

L’extension de la culture du cacao au détriment de la forêt tropicale

Maraîchage et agroforesterie face à la désertification

Un tiers de la population mondiale vit dans des zones arides ou semi-arides où les changements climatiques aggravent la dégradation des sols et la précarité des conditions d’existence, nous rappellera la COP sur la désertification.

Pour contrer cette menace, les projets de plantations massives d’arbres ont tous conduit à de graves déconvenues. Pour agir face à l’extension des déserts et l’appauvrissement des sols, il faut s’appuyer sur les producteurs agricoles locaux. Le programme sahélien de la Grande Muraille verte, conduit sous l’égide des Nations unies, a dû ainsi se transformer en une mosaïque de petits projets d’agroécologie, réelle ossature de la muraille.

Au Sénégal, ces projets concernent d’abord le nord du pays, la zone la plus aride. Dans le Ferlo, qui jouxte la Mauritanie, les leviers d’action sont le changement des pratiques pastorales, la reconstitution de couverts végétaux pérennes (coupe-vent, arbres endémiques…), le partage des faibles ressources en eau entre les besoins du cheptel et ceux de la culture.

La restauration des sols ne concerne pas que les zones mitoyennes du Sahara. Dans le bassin arachidier du centre du Sénégal, des décennies de monocultures ont appauvri les sols. Leur restauration exige de basculer vers des systèmes diversifiés, en particulier du maraîchage et de l’agroforesterie, valorisant les écosystèmes locaux et accroissant les ressources des communautés locales.

Pratiquée à grande échelle, la lutte contre la désertification pourrait engendrer des bénéfices climatiques élevés. En remettant de la vie et de la matière organique dans les sols, on accroît leur capacité de stockage du carbone. Compte tenu de l’immensité des surfaces arides à restaurer, c’est un gisement majeur de séquestration de carbone dans le monde.

Ainsi, les éleveurs du Ferlo ou les micro-exploitations maraîchères du bassin arachidier engagés dans la restauration de leurs sols ne luttent pas seulement pour améliorer leur condition d’existence. Ils contribuent également à l’action globale face aux dérèglements climatiques et à l’érosion de la biodiversité.

Exploitations maraîchères dans le bassin arachidier (Projet Agrisud-International)

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