
Mille milliards de dollars ? Cela ne vous parle pas ? Cela équivaut à 0,95 % du PIB mondial de 2023, quatre fois le total de l’aide publique au développement ou encore le coût de l’ensemble des pertes agricoles et gaspillages alimentaires estimés par la FAO.
Financer combien ?
C’est également le chiffre que défendra le réseau des ONG engagées dans l’action climatique pour le nouvel objectif collectif sur les financements internationaux, le principal point à l’ordre du jour de la COP29 de Bakou en Azerbaïdjan. L’accord de Paris stipule en effet qu’un nouvel objectif de financement climatique doit se substituer à partir de 2025 à celui existant : cent milliards de dollars par an entre 2020 et 2024. Viser mille milliards de dollars d’ici 2030, c’est donc multiplier par dix l’ambition.
Atteint avec un retard de deux ans en 2022, le précédent objectif de cent milliards par an avait été mentionné la première fois à la COP de Copenhague en 2009. Il concernait principalement des financements au titre de l’atténuation du changement climatique. Quinze ans après, les besoins de financement du Sud au titre de l’action climatique ont été considérablement réévalués. Dans son rapport préparatoire à la COP, l’OCDE les estime dans une fourchette de 0,5 à 2,5 milliers de milliards de dollars par an d’ici 2030.
Financer quoi ?
En premier lieu, le chiffrage des besoins d’investissement au titre de l’atténuation a fait de grands progrès depuis 2009, notamment dans le secteur énergétique. Les énergies de flux (solaires et éoliennes) sont bien moins coûteuses à l’usage que les énergies fossiles et ultra-compétitives sur l’ensemble du cycle de production. Mais elles exigent des investissements initiaux élevés. Leur déploiement est obéré au Sud par le coût du capital et l’accès limité aux marchés financiers. L’Agence internationale de l’Energie estime le déficit de financement à plusieurs centaines de milliards de dollars par an d’ici 2030.
En second lieu, le périmètre de la finance climat s’est élargi avec la montée des besoins financiers au titre de l’adaptation. A mesure que les impacts du réchauffement climatique se multiplient, les gouvernements doivent mettre en place des stratégies pour protéger leurs citoyens et accroître la résilience de leurs économies face aux impacts du réchauffement climatique. Toutes les économies sont affectées, mais les risques climatiques et les investissements à mobiliser pour y faire face sont bien plus élevés au Sud.
Une raison, trop souvent sous-estimée, est la vulnérabilité des systèmes agricoles face au réchauffement. Dans les pays moins avancés, l’agriculture compte pour encore près du cinquième de la production nationale et mobilise environ 40 % des actifs. La résilience des systèmes agricoles est mise à dure épreuve par l’aggravation des séquences de sécheresses, le dérèglement des moussons, la salinisation des sols dans les deltas, etc. Il y a urgence à mobiliser plus de ressources pour faire face à ces impacts et éviter que la crise climatique ne se transforme en crises alimentaires.
Autre élargissement du périmètre : le financement des pertes et dommages liés aux dégâts climatiques. Conformément à l’Accord de Paris, le Fonds au titre des pertes et dommages a été constitué depuis la COP de Charm el-Cheikh en 2022, malgré la réticence des bailleurs de fonds occidentaux. De tels dispositifs existent déjà, mais seulement à l’intérieur du périmètre des pays riches. Par exemple, lorsque les inondations ont frappé les pays d’Europe centrale en 2024, dix milliards d’euros ont été rapidement débloqués par le Fonds de cohésion européen. La solidarité face aux pertes et dommages devrait-elle s’arrêter aux frontières des pays riches (qui sont responsables d’une très large partie du CO2 accumulé dans l’atmosphère) ?
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