
Le Global Carbon Budget (GCB) vient de publier son rapport annuel. C’est une mine d’information.
Les points à retenir
D’après les premières estimations, les émissions mondiales de CO2 d’origine énergétique (y-compris process industriels) pourraient augmenter de 0,8% en 2024, après la hausse de 1,4 % en 2023.
Sur la dernière décennie, le rythme de croissance de ces émissions a été divisé par quatre relativement à la décennie précédente. Le pic de ces émissions semble s’approcher, mais rien n’indique pour l’instant qu’il ait été atteint. Les émissions liées aux changements d’usage des terres ont en revanche diminué de 28% durant la dernière décennie (2013-2023). Si bien que les émissions totales de CO2 sont sur un plateau depuis une dizaine d’années (graphique de haut de page).
Mieux vaut un plateau qu’une pente ascendante ! Mais cela nous laisse très loin des trajectoires requises pour pour être en ligne avec les objectifs d’atténuation de l’accord de Paris. Le budget carbone résiduel pour viser un réchauffement inférieur à 2°C se rétracte dangereusement. Tel est le message primordial de l’édition 2024 du GCB à destination de la COP29 à Bakou.

Etats-Unis : quelle trajectoire après l’élection présidentielle ?
Même si leur poids a décru (25% au démarrage de la négociation climatique), les Etats-Unis comptent pour encore 13% des émissions mondiales. La réélection de Donald Trump pourrait-elle inverser le mouvement de baisse des émissions américaines depuis 2005 et donc retarder le pic des émissions mondiales ?
Concernant le charbon, le risque paraît minime. Il n’est plus rentable d’utiliser du charbon pour produire de l’électricité, même avec des centrales thermiques amorties situées à proximité des mines. La forte baisse des émissions liées à l’usage du charbon devrait se poursuivre. En 2024, Trump a du reste abandonné son slogan de la campagne 2016″Trump digs coal » pour la formule « Drill, baby, drill« .
Au-delà de la formule de campagne, le terrain est propice à une accélération des émissions provenant de l’usage du gaz dont le prix est faible et la compétitivité élevée aux Etats-Unis. Si les promesses d’assouplissement des normes sur les véhicules et de délivrance de permis de forage se concrétisent, on risque de voir également une remontée des émissions résultant de la consommation accrue de pétrole.
La nouvelle présidence de Donald Trump se présente donc sous des auspices assez différentes de son premier mandat. La grande inconnue réside dans de possibles effets de contagion en dehors des Etats-Unis.

Emissions territoriales et empreintes de consommation
Un apport intéressant des travaux du GCB est de fournir des données sur les émissions territoriales de CO2 et sur l’empreinte carbone associée. Comme le montre le graphique ci-dessous, il y a depuis 2005 un parallélisme entre les évolutions des émissions territoriales et de l’empreinte carbone des grands émetteurs. L’idée, couramment répandue, que la baisse des émissions en Europe et aux Etats-Unis masque une délocalisation des émissions que nous réimporterions via les échanges extérieurs n’est pas corroborée par les chiffres. La baisse de nos émissions territoriales s’associe dont à une réduction de notre empreinte.
Sur la période récente, les émissions par habitant de l’UE sont passées en dessous de celles de la Chine et les empreintes de consommation sont désormais du même ordre de grandeur.

Puits de carbone naturels et séquestration industrielle
Pour terminer, observons une dernière figure, présentant la quantité de CO2 annuellement absorbée par la gestion des puits de carbone naturels (plantations forestières à titre principal) et les techniques industrielles de type capture directe : 5 % des émissions mondiales de CO2 pour les premiers, contre 1/1000000ème (un millionième) pour les seconds !
- Si on multipliait par mille les quantités capturés par les techniques industrielles, on n’absorberait qu’un millième des émissions anthropiques ;
- Un gain de seulement 1% sur les puits de carbone naturels permettrait d’en absorber 5000 fois plus !
Pour viser la neutralité carbone, l’enjeu primordial est la protection des puits de carbone naturels, dont le rapport du GCB nous dit par ailleurs combien ils ont souffert dans la période récente du fait des impacts du réchauffement global.

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3 commentaires sur « Les émissions mondiales de CO2 : en attendant la baisse »