
Quand on cherche à entrer dans le futur les yeux rivés sur le rétroviseur, on s’expose à de graves déconvenues. Ce fut le cas dans les années 2010 d’un grand constructeur français s’arc-boutant sur la motorisation diesel au motif de la décarbonation du transport. C’est le cas de la stratégie trumpiste de relance des hydrocarbures au nom de la baisse des factures énergétiques ou de la stratégie française de relance nucléaire censée fournir un électron bon marché.
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Motorisation diesel & décarbonation du transport
En 2013, lors du débat sur la fiscalité écologique, les représentants d’une grande firme automobile considéraient l’optimisation des véhicules thermiques fonctionnant au diesel comme la seule voie sérieuse de décarbonation. Avec un mix de production majoritairement composé de modèles diesel, ils voulaient entrer dans le futur les yeux rivés sur le rétroviseur. La firme échappa de peu au dépôt de bilan quelques années plus tard, avant d’être redressée grâce à une stratégie donnant toute sa place au véhicule électrique.
Forer, forer, forer pour faire baisser la facture énergétique
La promesse électorale de Donald Trump de diviser par deux le prix de l’énergie distribuée aux ménages en couplant relance de l’exploitation des hydrocarbures et économie des soutiens aux énergies renouvelables est du même acabit. Grâce à des innovations technologiques datant de plus d’un demi-siècle (fracturation hydraulique et forages horizontaux), les Etats-Unis ont considérablement accru leur potentiel de production de pétrole et de gaz.
Il en résulte un avantage de compétitivité prix sur le gaz par rapport aux consommateurs asiatiques ou européens. C’est une donnée héritée du passé, brutalement rappelée au moment de l’interruption des importations de gaz russe en Europe.
Pour construire un système énergétique approvisionnant demain les Etats-Unis à des coûts réduits, ce n’est plus le pétrole ou le gaz qu’il faut mobiliser, mais le soleil et le vent. Tous les élus républicains, du Texas au Dakota, l’ont compris : pour produire de l’électricité, ces énergies de flux ont gagné la bataille des coûts relativement aux fossiles. Avec l’électrification des usages, elles sont en train de le faire pour le transport. La stratégie du rétroviseur de Donald Trump peut ralentir ce mouvement, au prix de dégâts climatiques considérables. Elle ne peut pas l’inverser.
L’électron d’origine nucléaire à quel prix ?
Un autre exemple de mauvaise utilisation du rétroviseur est la stratégie de relance tous azimuts du nucléaire en France. Lancé dans les années 1970, un programme électronucléaire réussi a effectivement permis de fournir un socle d’électricité de base à des coûts inférieurs à ceux de l’Allemagne ou de l’Italie. Une autre donnée héritée du passé.
Pour construire le système énergétique décarboné de demain, on ne doit pas se laisser guider par le rétroviseur. Le soleil et le vent ont également gagné la bataille des coûts contre le nucléaire. Investir dans le parc existant pour prolonger son exploitation dans de bonnes conditions de sécurité se justifie au plan économique. Investir des dizaines de milliards dans la construction d’un nouveau parc d’EPR est une fuite en avant. Ces milliards n’iront pas aux renouvelables et risquent de nous fournir, d’ici deux décennies, le KWh le plus cher d’Europe.
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