Pourquoi la COP désertification ne doit pas être oubliée

Tribune Agrisud International parue le 27 novembre 2024

Avec Patrice Burger, administrateur d’Agrisud International et Louis-Etienne Diouf, représentant d’Agrisud International au Sénégal, nous avons co-signé cette tribune dans le Nouvel Obs, à l’amont de la COP désertification, cette « COP des pauvres » trop souvent oubliée.

*******************

Après celles sur la biodiversité et le climat, la COP sur la désertification ouvrira ses portes en Arabie saoudite début décembre. Des trois grandes conventions onusiennes discutées lors du sommet de la Terre à Rio en 1992, c’est sans doute celle dont les enjeux sont le moins bien perçus.

En premier lieu, la COP désertification n’a pas pu s’appuyer pendant longtemps sur un réseau international de scientifiques comme il en existe depuis l’origine pour le climat et depuis quelques années pour la biodiversité. Le Giec et l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) ont en effet fortement contribué à la prise de conscience des enjeux climat et biodiversité.

De la dégradation à la restauration des sols

Sa dénomination – convention sur la lutte contre la désertification – peut ensuite prêter à confusion. La COP désertification ne se réduit pas à un simple programme qui prétend arrêter le désert, par exemple le plus vaste de tous, le Sahara, puisque le préambule de la Convention fait explicitement mention de l’Afrique. Ses enjeux sont bien plus larges et de plus en plus interconnectés avec ceux du climat et de la biodiversité.

La convention désertification, engageant 196 pays dont ceux de l’Union européenne, vise à mettre un terme à la dégradation des terres dans les zones arides et semi-arides, un fléau affectant les conditions d’existence de plus de deux milliards d’habitants qui y résident. Des objectifs dits de « neutralité » ont été définis lors des dernières COP pour retrouver d’ici 2030 un état des terres visant la stabilité ou l’augmentation des services écosystémiques pouvant être assurés à différentes échelles des territoires. En 2023, 112 pays avaient défini leurs objectifs volontaires de neutralité.

La dégradation des terres est particulièrement grave en matière agricole. Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), 52 % des terres agricoles sont aujourd’hui modérément ou fortement dégradées. Le rythme de dégradation serait de 30 fois plus rapide que le rythme historique. Chaque année, 12 millions d’hectares (23 hectares par minute) sont perdus en raison de la sécheresse et de la désertification.

Accélérer la transition agroécologique

La restauration des terres agricoles est cruciale pour la sécurité alimentaire des pays du Sud qui ont subi des chocs à répétition ces dernières années, avec les effets conjugués du durcissement des conditions et événements extrêmes climatiques, des effets déstabilisants du Covid et de l’aggravation des conflits locaux (Soudan, Haïti, Sahel…).

Si certaines pratiques agricoles, inspirées des modèles industriels à base de spécialisation et de chimisation, contribuent à la dégradation des sols, d’autres, plus appropriables par les habitants des zones arides, sont au contraire une arme essentielle pour la restauration des sols. Les techniques et le savoir-faire en matière d’agroécologie existent et des actions d’envergure, notamment portées par les ONG de développement, ont démontré leur performance sous diverses latitudes. Cela est désormais attesté par diverses évaluations dont celles réalisées par la FAO (organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) sur la fertilité des sols, leur capacité de filtration, la résilience des systèmes alimentaires, avec à la clef des bénéfices élevés en matière de lutte contre la pauvreté.

L’accélération de la transition agroécologique, sera l’un des premiers enjeux à la COP de Ryad, avec le renforcement de l’initiative pour la résilience face à la sécheresse.

L’initiative du Sénégal et de l’Espagne sur la sécheresse

L’objectif de lutte contre la sécheresse sera au cœur des négociations à la COP16. Mentionné dans le texte de la Convention, cet objectif n’a jusqu’à présent connu que peu de concrétisations. Pour changer la donne, le Sénégal et l’Espagne ont lancé une initiative conjointe à la dernière COP d’Abidjan qui fera l’objet d’un premier point d’étape à Ryad avec à la clef la question des financements. Cette initiative prend tout son sens dans le contexte du changement climatique qui affecte sévèrement ces deux pays.

Les inondations catastrophiques en Espagne au Maroc et au Sénégal comme celles qui avaient frappé la Libye en 2023, sont là pour nous le rappeler. L’aggravation des sécheresses et des inondations sont les deux faces d’un même dérèglement : celui du climat qui perturbe le régime des précipitations et aggrave les événements extrêmes infligeant aux régions arides le double tribut des inondations et de la sécheresse.

Au Sénégal, la résilience face à la sécheresse passe en premier lieu par la transition agroécologique. Dans le Ferlo qui jouxte la Mauritanie, les leviers d’action sont le changement des pratiques pastorales, la reconstitution de couverts végétaux pérennes (coupe-vent, arbres endémiques, …), le partage des faibles ressources en eau entre les besoins du cheptel et ceux de la culture. Dans le bassin arachidier du centre Sénégal, des décennies de monocultures ont appauvri les sols. Leur restauration exige également de changer les systèmes de production en basculant vers l’agroécologie.

Pratiquée à grande échelle, la lutte pour la résilience face aux sécheresses pourrait engendrer des bénéfices climatiques élevés. En remettant de la vie et de la matière organique dans les sols, on accroît leur productivité, leur capacité de stockage en eau, mais aussi en carbone. Ainsi, les petits producteurs sénégalais transitant vers l’agroécologie ne luttent pas seulement pour améliorer leur condition d’existence. Ils contribuent également à l’action globale face aux dérèglements climatiques.

*************************

  • Lire la tribune dans le Nouvel Obs : ICI
  • Visiter le site d’Agrisud International : ICI
  • Retour à L’ACCUEIL

Laisser un commentaire