Les forêts lourdement impactées par le réchauffement observé en 2024

Le World Resources Institute (WRI) vient de rendre public son diagnostic annuel établi à partir des données recueillies par l’université du Maryland sur les pertes de couvert forestier en 2024. Ce diagnostic porte sur les pertes annuelles brutes. Il ne comptabilise pas les plantations nouvelles ni les repousses de forêts exploitées pour leur bois ou détruites par les feux de forêts.

Dans les forêts boréales et tempérées les pertes brutes de couvert forestier ont été moindres en 2024 qu’en 2023. Elles ont par contre augmenté de près de 3 millions d’hectares (+24%) en forêt tropicale, principalement en raison des feux en Amazonie. Au total, la perte de couvert forestier mondiale a augmenté de 1,5 million d’hectares (5%) l’an passé. Les feux en Amazonie ont été la cause principale de la première remontée significative depuis 2015 des émissions de CO2 liées à l’usage des terres.

Le poids croissant des feux de forêts

Le WRI distingue cinq causes majeures de perte du couvert forestier : les feux, les transferts vers l’agriculture, l’exploitation du bois, l’exploitation minière, les infrastructures humaines (habitat et transport principalement). Dans les forêts boréales et tempérées, les pertes de couvert forestier proviennent principalement de l’exploitation du bois et des feux de forêts. Dans les forêts tropicales, les causes agricoles prédominent, mais les feux, souvent provoqués volontairement pour étendre les superficies agricoles, peuvent peser lourdement certaines années (voir carte ci-dessus).

Dans les forêts tempérées, les pertes de couvert forestier varient peu d’une année à l’autre. Résultant majoritairement de l’exploitation du bois, elles ne sont pas pérennes. En 2024, elles ont représenté 2,6 millions d’hectares, soit un peu moins qu’en 2024.

Dans les forêts boréales, les incendies ne sont généralement pas provoqués par l’homme, mais leur intensité et leur fréquence s’aggravent avec le réchauffement. Aussi, sur la période 2021-2024, la Russie et le Canada ont été, devant le Brésil, les deux premiers pays par les surfaces forestières perdues. La récurrence des méga-feux risque de peser sur le potentiel de repousse naturelle des massifs et donc sur la capacité d’absorption du puits de carbone forestier en zone boréale. En 2024, les pertes de couvert des forêts boréales ont atteint 10 millions d’hectares. C’est 1,3 million de moins qu’en 2023 qui avait connu des incendies monstres au Canada. Sur les deux années 2023 et 2024, la perte du couvert forestier est plus du double de la moyenne observée dans les années 2000.

Dans les forêts tropicales et subtropicales, les transferts de terre vers l’agriculture restent le principal facteur de perte de la couverture forestière. Mais les feux non maîtrisés, le plus souvent provoqués pour le défrichage agricole, jouent un rôle croissant en Amazonie. En 2024, ils ont joué un rôle plus important que les conversions de forêt en terres agricoles. la sécheresse exceptionnelle ayant affecté l’est du massif explique la forte remontée de la perte de couverture forestière en Bolivie et au Brésil. A 15 millions d’hectares, la perte du couvert forestier de la forêt tropicale s’est rapprochée en 2024 de ses plus hauts de 2016 et 2017.

Focus sur les massifs tropicaux

En forêt tropicale humide, les pertes de couvert forestier sont plus pérennes qu’en zone boréale ou tempérée du fait du poids élevé des conversions de la forêt en terres agricoles. Dans les années 2000, le Brésil et l’Indonésie ont compté jusqu’à plus de la moitié des pertes totales du couvert forestier tropical. C’est pourquoi, il est souvent faire référence à ces deux pays quand on évoque les massifs tropicaux. Ils sont pourtant désormais loin de constituer la majorité des pertes du couvert forestier sous les tropiques.

L’Indonésie, premier pays tropical à avoir subit des méga-feux de forêts en 1997, a par exemple très fortement ralenti la conversion de ses forêts en terres agricoles. En 2024, sa perte de couvert forestier a été nettement inférieure à celle observée 10 ou 20 ans auparavant. En 2024, elle a même été inférieure à la perte de forêt observée en Bolivie où les feux incontrôlés, généralement provoqués par le défrichage agricole, se sont conjugués à des conversions agricoles élevées, désormais favorisées par la politique gouvernementale.

Le Brésil a également très fortement réduit la conversion de ses forêts en terres agricoles depuis le milieu des années 2000. Il représentait alors à lui seul plus de 40% du total des pertes de forêts tropicales. En 2023, sa contribution était tombé à 22% du total, pour remonter à 28% en 2024, à la suite des incendies exceptionnels favorisés par la sécheresse de grande ampleur.

A contrario, les pertes de couvert forestier se sont fortement accrues durant la décennie 2010 sur l’ensemble du bassin du Congo sans montrer de signe de ralentissement au début des années 2020. En République démocratique du Congo, le principale facteur de perte du couvert forestier est l’extension de l’agriculture vivrière. En Côte d’Ivoire et au Cameroun, les cultures de rente jouent également un rôle important.

Implications pour les politiques climatiques

Le diagnostic du WRI ne donne qu’une vision partielle de l’impact de l’usage des terres sur les émissions de CO2 car il ne calcule pas les absorptions de carbone provenant des nouvelles plantations et de la repousse des arbres après les prélèvements de bois d’œuvre ou les incendies. Ces émissions nettes sont en revanche calculées chaque année par le Global Carbon Budget.

D’après ses premières estimations, les incendies en forêt amazonienne ont provoqué en 2024 une remontée des émissions de CO2 liées l’usage des terres un peu au-dessus de 4 Gt de CO2. C’est la première remontée significative de ces émissions depuis 2015. Toutefois, le niveau de 2024 reste bien inférieur à ceux observées entre 1990 et 2015. L’alerte de 2024 n’a donc pas totalement effacé les progrès réalisés durant la dernière décennie résultant d’une moindre conversion des forêts en terres agricoles en zone tropicale.

Il faut bien sûr poursuivre, et surtout accentuer et élargir, l’action sur les causes agricoles de la déforestation qui ont permis de réduire les émissions de carbone biogénique durant la dernière décennie. Mais ce n’est pas suffisant. L’alerte de 2024 porte un message important : un réchauffement global de 1,5°C, comme celui observé l’an passé, provoque des rétroactions majeures sur les systèmes forestiers. Ces rétroactions réduisent leur capacité d’absorption du CO2 atmosphérique, notamment via les feux de forêt. Il devient donc urgent de compléter les outils classiques de lutte contre la déforestation par des actions préventives de grande ampleur pour contrarier le développement des feux de forêts incontrôlés, tant en forêt boréale qu’en forêt tropicale.

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  • Voir le communiqué de presse du WRI : ICI
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