Moratoire sur l’éolien et le solaire : une proposition surréaliste !

Tribune co-signée avec Alain Grandjean, Le Monde, 23 juin 2025

Un hémicycle qui adopte un amendement introduisant un moratoire sur l’instruction, l’autorisation et la mise en service de tout nouveau projet éolien ou photovoltaïque. Nous ne sommes pas au parlement d’un Etat républicain du Midwest, mais au Palais Bourbon, jeudi 19 juin, avec il est vrai des effectifs plutôt clairsemés au moment du vote.

L’épisode reflète en premier lieu l’influence de l’extrême droite, dont les thèses percolent de plus en plus au sein de la droite « républicaine », suivant la terminologie consacrée. L’amendement sur le moratoire a été introduit par un député Les Républicains. Il reprend en réalité des propositions de campagne du Rassemblement national et n’aurait pas pu être adopté sans son vote unanime.

Une telle configuration se retrouve au Parlement européen, où les votes assouplissant ou supprimant les régulations environnementales sont adoptés par des coalitions regroupant le Parti populaire européen et les divers partis d’extrême droite.

Suivant une évolution à l’américaine, le changement climatique devient un facteur de clivage polarisant la classe politique et ses électeurs en deux blocs opposés. Il semble loin le temps du Grenelle de l’environnement, où une loi environnementale pouvait être votée par 536 députés sur 551 présents. C’était en 2008 !

L’un des effets de cette polarisation est d’évacuer les données scientifiques du débat politique au profit d’arguments idéologiques. La veille du vote sur le moratoire, paraissait le tableau de bord produit par une cinquantaine de scientifiques de renom qui actualise chaque année les diagnostics du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat sur le réchauffement climatique. Ses clignotants sont dans le rouge et appellent à une accélération de la décarbonation de nos économies. Mais qui dans l’hémicycle a eu vent de ce document ?

Il faut accélérer et non pas rétrograder

Si le moratoire entre vigueur, il nous éloignera un peu plus de nos objectifs climatiques. En 2024, nos émissions de gaz à effet de serre ont reculé de 1,8 % d’après le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique, quand il faudrait atteindre – 5 % pour être en ligne avec nos objectifs pour 2030 établis dans le cadre européen. La première projection de l’Insee pour 2025 indique que la baisse des émissions ne devrait pas être plus marquée cette année, en dépit du contexte industriel morose.

Pour atteindre nos objectifs en 2030 et la neutralité carbone en 2050, il n’y a donc pas d’alternative. Il faut accélérer et non pas rétrograder. Le texte législatif en discussion au Parlement doit y aider en encadrant notre feuille de route énergétique, dénommée « Programmation pluriannuelle de l’énergie », à l’horizon 2035.

Un volet important de cette programmation est d’électrifier les usages dans les secteurs du transport, de l’industrie et du chauffage des bâtiments, pour substituer des électrons verts à l’énergie fossile encore aujourd’hui majoritairement utilisée dans les carburants et les combustibles. Ce schéma d’électrification implique donc un accroissement de la production d’électrons décarbonés.

D’ici à 2035, cela passe par le renforcement du déploiement des énergies utilisant les flux solaires et éoliens, qui sont les seules à pouvoir fournir en abondance l’électricité décarbonée dont le pays aura besoin, et ceci quelle que soit la place du nucléaire qu’on souhaite atteindre dans le mix énergétique post-2040. Si l’on freine ou si l’on interrompt ce déploiement de l’éolien et du solaire, on abandonne donc un pan majeur de la décarbonation de notre économie.

Outre son coût climatique exorbitant, le moratoire sur l’éolien et le solaire irait également à contresens des objectifs de souveraineté énergétique. La quasi-totalité de l’énergie fossile que nous utilisons étant importée, substituer du solaire et de l’éolien au pétrole et au gaz est un facteur de souveraineté. Avec, à la clé, de nombreux emplois répartis sur l’ensemble du territoire. Freiner ou interrompre leur déploiement perpétue notre dépendance à l’égard du pétrole et du gaz importés. Une dépendance qui accroît dangereusement notre vulnérabilité dans le contexte géopolitique actuel.

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