Economiser aujourd’hui sur le climat : quelle facture demain pour la collectivité ?

Tribune parue sur le site du Nouvel Obs le 17/07/205

Le plan Bayrou vise à stabiliser en deux ans la dette publique, qui plafonnerait à 118 % du PIB en 2027 pour amorcer un léger déclin les deux années suivantes. Un objectif qui devrait faire consensus au sein de la classe politique : compte tenu des taux d’intérêt réels, laisser filer la dette publique serait effectivement mortifère à moyen terme pour notre économie.

Le débat devrait en revanche se focaliser sur les options retenues pour réduire le déficit public. La classe politique s’est immédiatement emparée de la question de l’équité, sur laquelle risque de se concentrer le débat parlementaire lors de l’examen de la loi de Finances. A court terme, c’est la question qui affecte le plus directement les électeurs. A plus long terme, le plan Bayrou conduit à s’interroger sur les dépenses d’investissement à maintenir dans un contexte de rigueur budgétaire pour préparer l’avenir.

Les nouvelles priorités en matière d’investissement

En matière d’investissement, l’arbitrage le plus clair concerne les dépenses militaires. Ces dépenses échappent, avec les intérêts de la dette, au gel des dépenses nominales imposé dans le cadre de « l’année blanche ».

Pour les autres catégories d’investissement, il subsiste un certain flou artistique. Les dépenses d’investissements seront bien soumises, comme celles de fonctionnement, à la règle du gel en valeur nominale, est-il rappelé. Mais quels investissements prioriser ?

Le programme dit « France 2030 » visant à mobiliser 54 milliards d’euros d’investissements stratégiques entre 2022 et 2030 devrait être poursuivi. Le Premier ministre lui a assigné au passage de nouvelles priorités : « Les secteurs de l’intelligence artificielle et du cyber ». C’est un sérieux virage pour un plan dont au moins la moitié devait initialement être destinée à la transition bas carbone.

La maîtrise de la dépense publique serait-elle prétexte à de nouveaux renoncements en matière de transition écologique ? Si le projet actuel n’est pas corrigé, cela semble inexorable.

Dans sa partie compétitivité, le plan Bayrou aborde l’énergie. Il cite abondamment la filière nucléaire en mettant en avant des avancées en matière de contrats à long terme de vente d’électricité nucléaire aux industriels. Il rappelle le programme d’investissement déjà engagé d’allongement de la durée de vie des centrales existantes. Curieuse façon de préparer l’avenir en se focalisant sur des investissements réalisés il y a plusieurs décennies.

Rien sur les énergies renouvelables ? Le lecteur attentif trouvera certes mention d’un hypothétique projet de relance de l’énergie hydraulique. Des investissements potentiellement utiles, mais qui ne peuvent jouer qu’un rôle d’appoint pour la fourniture de l’énergie verte dont on aura besoin pour réduire nos consommations d’énergie fossile.

Des économies qui coûteront cher demain à la collectivité

Quant aux autres volets de la transition écologique comme la préservation de la biodiversité ou l’adaptation au changement climatique, ils ont carrément disparu des radars gouvernementaux. A court terme, ce sont bien sûr quelques milliards d’euros d’économisés. Mais cela fera bien plus d’argent à débourser demain pour faire face aux dommages climatiques et à ceux provoqués par l’érosion de la biodiversité.

Pour que le projet de redressement budgétaire ne se traduise pas par un nouveau recul en matière d’ambition climatique, il devra être profondément corrigé. La meilleure façon de le faire serait sans doute de sanctuariser, comme pour les dépenses militaires, les dépenses d’investissements indispensables à la transition écologique. Tous les euros de cette transition aujourd’hui économisés pour freiner la dépense publique se traduiront en effet demain par des coûts bien plus élevés à la charge de la collectivité.

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  • Lire la tribune sur le site du Nouvel Obs : ICI
  • Lire l’article paru dans The Conversation sur l’état du climat en 2024 : ICI
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