
La taxe Zucman fait couler beaucoup d’encre. Un peu comme la taxe carbone au moment de son introduction en France, il y a un peu plus de dix ans.
Dans les deux cas, l’enjeu dépasse le cadre de la fiscalité. Il s’agit d’utiliser un instrument pour lutter contre des dérèglements affectant la société : le creusement des inégalités patrimoniales, le réchauffement planétaire.
Autre similitude : si ces taxes pouvaient être introduites à l’échelle mondiale, une grande partie des objections faites à leurs promoteurs s’évanouirait. Une taxe sur les gros patrimoines corrigerait partiellement les inégalités patrimoniales sans risque de déplacement des capitaux. Une taxe carbone accélérerait la transition énergétique sans risque de provoquer des fuites de carbone, autrement dit des délocalisations vers les économies où émettre du CO2 resterait gratuit.
Baguettes magiques ?
Dans le cas d’une taxe non universelle, il faut anticiper les risques de déplacement du capital. Aussi, l’Union européenne travaille à la mise en place d’un prélèvement carbone à la frontière pour lutter contre le risque de fuites de carbone induit par la mise aux enchères des quotas de CO2. Une entreprise compliquée. Pour lutter contre le risque de fuite des capitaux, une taxe Zucman devra également introduire un dispositif pour empêcher que le capital financier ne franchisse la frontière. Au moins aussi complexe que la lutte contre les fuites de carbone vu l’extraordinaire mobilité du capital financier…
Dans le débat public, on a parfois l’impression que les taxes carbone ou Zucman sont des sortes de totem pour leurs promoteurs, permettant de résoudre d’un coup de baguette magique des problèmes de société. Imaginer que la taxe carbone permettrait de régler à elle seule la question du réchauffement climatique relève de la fiction. Elle est un simple accélérateur de la transition bas carbone.
Déconnexion des prix des actifs financiers et immobiliers
Et la taxe Zucman ? Correctement dosée, et associée à d’autres outils fiscaux (droits de succession, impôts fonciers…), elle pourrait amoindrir le creusement des inégalités patrimoniales qui échappe à notre système redistributif. Mais cette taxe n’agit pas sur la cause de cette nouvelle forme d’inégalité propre au capitalisme contemporain : la déconnexion des prix des actifs financiers et immobiliers qui augmentent plus rapidement que ceux des biens et services depuis trois décennies. Avec ou sans taxe Zucman, c’est à cette déconnexion enrichissant les détenteurs du capital au détriment du travail qu’il faut s’attaquer.
Ne pourrait-on pas enfin fusionner les deux mécanismes en introduisant une taxe Zucman ciblant les patrimoines aux empreintes climatiques les plus néfastes ? Une super Zucman verte, visant simultanément les cibles de réduction des inégalités et de transition bas carbone. Séduisante dans son principe, la taxe Zucman verte serait horriblement compliquée à mettre en place. A supposer qu’on parvienne à l’armer, un tel fusil à double détente risquerait fort de n’atteindre aucune de ses deux cibles.
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