Q… Comme Quota de CO2

Sur un marché carbone, il faut restituer un quota pour chaque tonne de CO2 rejetée dans l’atmosphère
Définition

Un quota de CO2 est le droit d’émettre une tonne de CO2 (ou une quantité d’un autre gaz à effet de serre ayant un pouvoir de réchauffement équivalent). Sur un marché de quotas, les acteurs du système doivent restituer autant de quotas qu’ils ont émis de CO2.

Cette définition entraîne parfois des confusions. On parle couramment du marché des « droits à polluer » comme si le marché distribuait des autorisations à rejeter le CO2 dans l’atmosphère : une bien curieuse façon d’agir contre le réchauffement du climat !

Un marché de quota ne crée aucun nouveau droit à polluer. Il permet d’échanger des droits qui résultent d’un rationnement de la quantité globale de CO2 pouvant être rejetée dans l’atmosphère. Cette quantité est appelée plafond d’émissions (cap en anglais). Une fois ce plafond créé, on peut organiser les échanges (trade en anglais). D’où l’expression de Cap & Trade souvent utilisée par les économistes.

Les mécanismes de base

De cette définition résulte un principe de base : plus le plafond est bas, plus le rationnement est sévère et fera monter le prix du quota sur le marché. A l’inverse, si on introduit trop de quotas, le prix vas baisser. La fixation du plafond et de son évolution dans le temps est donc la décision la plus cruciale sur un système d’échange de quotas.

Une autre variable importante concerne la façon d’introduire les quotas dans le système d’échange. Si ces quotas sont distribués gratuitement, cela équivaut à une subvention au profit de ceux qui les reçoivent (généralement les émetteurs historiques). C’est pourquoi les économistes préconisent d’introduire les quotas par des enchères dont le produit sera perçu par l’autorité organisatrice du marché.

L’intérêt des marchés de quotas de CO2 est de permettre une diminution des émission au moindre coût : les acteurs du marché pour qui les réductions d’émission sont les plus coûteuses vont acheter des quotas à ceux disposant de gisements de réduction meilleur marché. Si le système fonctionne parfaitement, le prix d’équilibre du marché égalise les coûts marginaux d’abattement. Les émissions sont alors réduites au moindre coût.

Source : Commission européenne, EU-ETS Handbook

Les conditions à réunir pour atteindre un tel équilibre (atomisation du marché, parfaite information des acteurs, absence de comportements stratégiques,…) sont cependant difficiles à réunir. C’est pourquoi de nombreux économistes préconisent la méthode de la taxation plutôt que celle du marché de quotas pour mettre un coût aux émissions de CO2.

Un bref historique du marché européen des quotas

Les premiers marchés de quotas sont apparus aux Etats-Unis dans les années 1990, pour réduire les émissions de SO2. Le Protocole de Kyoto avait l’ambition d’introduire un système d’échanges de quotas entre pays qui n’a pas fonctionné. Aujourd’hui, les principaux marchés de quotas de CO2 se trouvent en Asie (Chine et Corée), en Amérique du Nord où ils couvrent des Etats, et dans l’Union européenne. Ces marchés ne communiquent pas entre eux : un industriel européen ne peut pas utiliser un quota chinois ou américain pour sa conformité (et réciproquement).

Le système européen d’échange de quotas de CO2 a été introduit en 2005, l’année d’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto. Il couvre les émissions des secteurs de l’énergie, des industries de base et d’une partie du transport aérien. A ce jour, il reste le marché carbone le plus important au monde (le marché chinois couvre un quantité plus large de CO2, mais avec des prix bien plus faibles). Depuis son démarrage l’une des difficultés a été la trop grande quantité des quotas distribués qui a tiré les prix vers le bas.

L’origine de ce trop-plein de quotas a résulté de l’absence d’ambition des objectifs climatiques de l’Union européenne. L’objectif de l’UE au titre du protocole de Kyoto (-8% sur la période 2008-2012 relativement à 1990) comme celui du paquet énergie climat qui visait une réduction de 20% des émissions en 2020 relativement à 1990 n’ont en réalité jamais été véritablement contraignants.

En décembre 2020, le Conseil européen a adopté un objectif visant une réduction de 55 % de l’ensemble des gaz à effet de serre entre 1990 et 2030, contre 40% auparavant. Avec cette marche d’escalier à franchir, l’Union Européenne s’est engagé sur un objectif réellement contraignant, ce qui a entrainé un redressement du prix du quota.

Focus sur les réformes en cours

Dans le cadre du  paquet « Fit for 55 » adaptant le cadre législatif et réglementaire au nouvel objectif climatique de 2030, l’Union européenne a adopté en 2023 trois séries de mesures destinées à renforcer le marché carbone européen :

  • Le resserrement du plafond d’émission pour les secteurs soumis aux quotas désormais alignés sur une cible de réduction de 62% des émissions en 2030 relativement à 2005, contre -43% antérieurement.
  • La suppression graduelle des allocations gratuites aux secteurs industriels entre 2026 et 2034, synchronisée avec la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone à la frontière. Souvent appelé « taxe carbone à la frontière », ce mécanisme consiste à exiger des importateurs de pays tiers que leurs produits soient soumis lors de leur entrée sur le marché européen aux mêmes règles de paiement des quotas que ceux  produits dans l’Union européenne. Ce mécanisme va ainsi se substituer aux allocations gratuites pour égaliser les conditions de concurrence entre les industriels européens et ceux de pays tiers non soumis à un dispositif équivalent de tarification carbone.
  • L’élargissement à  de nouveaux secteurs qui prendra deux modalités. L’inclusion du transport maritime et du transport aérien international dans le système actuel d’échange de quotas. L’introduction à partir de 2027 d’un second système d’échange de quotas couvrant les émissions du transport terrestre, de l’usage des bâtiments, et des petites unités industrielles ou artisanales non couvertes par le système actuel.

Toutes ces décisions portant sur le système d’échange de quotas, initialement proposées par la Commission européenne, ont été adoptées par le Parlement et le Conseil européen en 2023. Leur mise en œuvre s’étendra sur plusieurs années et sera donc opérée sous la responsabilité des instances européennes issues des élections au Parlement de juin 2024. Les nouveaux équilibres politiques issus de ce scrutin risquent de compliquer cette mise en œuvre, pourtant cruciale pour mettre l’Union européenne sur la voie de la neutralité en 2050.

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Pour aller plus loin :

Rapport de la Banque Mondiale, State and Trends of carbon pricing, site de la BM
Commission Européenne,  EU-ETS Handbook, Site de la Commission
Christian de Perthuis, dossier pour La fabrique écologiqueSur ce site

Fiche rédigée le 20 avril 2021, mise à jour le 12 juin 2024

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