
Définition :
- Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) : « La feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. Elle définit une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 2050 et fixe des objectifs à court-moyen termes : les budgets carbone » (Site du Ministère de l’écologie).
Introduite par la Loi de 2015 sur la transition énergétique, la SNBC est l’instrument de suivi de la politique national d’atténuation du changement climatique. Remise à jour tous les cinq ans, sa troisième version doit aligner la feuille de route France sur l’objectif européen de -55% à l’horizon 2030. Le premier budget carbone fixé par la SNBC pour 2015 à 2018 a été dépassé, ce qui a entrainé la condamnation du Gouvernement par la justice administrative.
Un démarrage chahuté
Chaque SNBC édicte trois budgets carbone prospectifs qui plafonnent les émissions nationales. Ces budgets sont ventilés par secteur d’activité. A l’exception du premier budget portant sur 2015-2018, ils couvrent des périodes quinquennales.
La SNBC-1, adoptée en 2015, était construite sur un objectif de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030 et leur division par 4 d’ici 2050 (« facteur 4 »). Le premier budget carbone pour la période 2015-2018 a été dépassé d’un peu plus de 60 Mt de CO2eq.
La SNBC a été révisée en 2018/2019 en conservant l’objectif de -40% en 2030 mais en affichant la nouvelle cible de neutralité climatique en 2050 à la place du facteur 4. Dans les faits, cette SNBC-2 a surtout réagi au dépassement du premier budget carbone en corrigeant à la hausse le budget carbone pour la période 2019-2023.
Rehausser l’ambition de long terme tout en se donnant du mou pour émettre plus à court terme ? La manœuvre pouvait difficilement passer inaperçue. Les instances officielles comme le Haut Conseil pour le Climat n’ont pas manqué de le remarquer. Dans le cadre de ce qu’elles ont appelé « l’Affaire du siècle », quatre ONG environnementales ont porté l’affaire devant les tribunaux.
« L’Affaire du Siècle »
Par ses jugements de février et d’octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a reconnu que le dépassement du premier budget carbone constituait un préjudice écologique que le Gouvernement devait réparer d’ici décembre 2022. Il a fixé le montant de cette réparation à 15Mt de CO2eq en considérant qu’une partie du dépassement initialement évalué à 62 Mt avait déjà été corrigée par la baisse des émissions observée en 2019 et en 2020.
Ce type de jugement a d’autant plus de chance de faire jurisprudence que le Conseil d’Etat a par ailleurs enjoint le Gouvernement à prendre des mesures complémentaires pour que la SNBC atteigne effectivement les réductions d’émission visées en 2030.
Cette intrusion de la justice dans la politique climatique n’est pas propre à la France. Des jugements similaires ont par exemple été rendus aux Pays-Bas et en Irlande. Mais si le juge peut condamner l’Etat, il ne peut pas se substituer à lui pour définir la politique climatique.

Les enjeux clefs de la troisième SNBC
Les arbitrages de la SNBC-3 devront être rendus d’ici juillet 2023, dans le cadre de la loi de programmation sur l’énergie et le climat. Ils devront être cohérents avec la future Programmation pluriannuelle de l’énergie (« PPE ») qui doit statuer sur l’avenir de la production nucléaire sur le territoire national. C’est dire combien les décisions seront difficiles à prendre !
Concernant la SNBC, le franchissement de la marche vers un objectif de réduction de 55% entre 1990 et 2030 figure dans les engagements internationaux de la France. Le rôle de la SNBC sera d’expliquer comment on y parvient, en particulier dans le transport et la gestion des bâtiments, les deux secteurs où les dépassements ont été les plus élevés.
Pour ne pas s’exposer à de nouvelles condamnations, l’Etat devra s’assurer que les moyens mis en œuvre sont à la hauteur des objectifs. Cela ne peut que remettre sur le tapis la question de la fiscalité carbone, le principal levier permettant d’accélérer la sortie des énergies fossiles sans multiplier les couches réglementaires.
Une autre volet important de la SNBC-3 concerne l’agriculture et la forêt. Pour viser la neutralité climat en 2050, la SNBC table sur un doublement du puits de carbone naturel d’ici 2050 et la réduction conséquente des émissions de méthane et de protoxyde d’azote d’origine agricole. Les instruments à mettre en œuvre d’ici 2030 pour y parvenir ne sont pas explicités. Il faudra bien s’attaquer à cet angle mort de l’action climatique de la France.
Pour aller plus loin :
Ministère de l’écologie, https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc
Tribunal Administratif de Paris, L’Affaire du Siècle : l’Etat devra réparer le préjudice écologique dont il est responsable, 14 octobre 2021