Cuisson propre : sauver 3,7 millions de vies

Les Echos du 21 mai 2024

Jusqu’à la fin des années 2000, les modes de cuisson précaires utilisant de la biomasse sur des foyers dépourvus de systèmes d’évacuation de fumées, ont été la première cause de mortalité par pollution de l’air dans le monde. En 2022, ils ont provoqué 3,7 millions de décès prématurés, principalement des femmes et des enfants. C’est la deuxième source de mortalité par pollution de l’air, juste après celle résultant des énergies fossiles (4,5 millions de décès).

Le coût sanitaire des systèmes de cuisson traditionnels n’est pas le seul. En moyenne, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que dans les familles tributaires de ces modes de cuisson, il faut consacrer 5 heures par jour pour aller collecter le bois et cuire les aliments. Ici encore, une tâche essentiellement dévolue aux femmes et aux enfants.

Du fait de la combustion imparfaite, ces systèmes rejettent du protoxyde d’azote et du « black carbon » (suies) qui contribuent au réchauffement climatique. Environ la moitié de la biomasse prélevée dans le milieu naturel n’est pas renouvelée. Le CO2 rejeté par sa combustion doit alors être comptabilisé comme une émission, au même titre que la déforestation.

Accès universel

L’AIE a réuni un sommet la semaine passée à Paris pour examiner comment accélérer l’action face à cette triple urgence sanitaire, sociale et climatique. Grâce aux progrès rapides réalisés en Asie, le nombre des personnes tributaires de systèmes polluants de cuissons a reculé de 3 à 2,3 milliards de personnes entre 2010 et 2022. En revanche, ce nombre a continué d’augmenter dans l’Afrique au sud du Sahara où environ quatre habitants sur cinq dépendent de ces systèmes

Pour atteindre en 2030 un accès universel à des systèmes de cuisson propres, il faudrait que 300 millions de personnes basculent chaque année vers des systèmes « propres » : gaz en bouteille (GPL), fours améliorés fonctionnant à la biomasse, GNL et biogaz là où les infrastructures le permettent. Quand ces systèmes exigent l’utilisation d’énergie fossile, le bénéfice climatique de l’opération est réduit (et peut même s’inverser dans certains cas).

Précarité

Avec sa calculette, l’AIE estime le coût des investissements requis à quelque 8 milliards de dollars par an, ce qui est incroyablement faible au regard des bénéfices sanitaires et sociaux engendrés. Mais c’est une estimation par défaut. La dépendance des familles vis-à-vis des systèmes rudimentaires de cuisson reflète la précarité de leurs habitats et plus généralement la grande pauvreté. Ce qui a permis à des pays comme la Chine, l’Inde ou l’Indonésie d’accélérer la diffusion de systèmes de cuissons propres, c’est d’abord la réussite de programmes plus globaux de lutte contre ces formes de pauvreté nécessitant des moyens bien plus élevés que les sommes à consacrer aux seuls dispositifs de cuisson.

Pour passer à la vitesse supérieure, il faut aussi agir sur les causes plus structurelles qui maintiennent une partie si importante de la population mondiale dans une dépendance à l’égard des systèmes polluants de cuisson.

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