Nucléaire : le bon débat

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Mon billet dans Les Echos complète l’article publié la semaine dernière dans The Conversation : Le débat sur le nucléaire a beaucoup tourné autour de la fermeture de Fessenheim. L’accord politique passé entre François Hollande et les Verts il y a dix ans a finalement été concrétisé sous Emmanuel Macron, un président plutôt pronucléaire ! Mais les bonnes questions ont été éludées.

Dès le début du prochain quinquennat, il faudra prendre deux orientations stratégiques : allonger ou non la durée d’exploitation du parc existant, à l’origine de la fourniture de 70 % de notre électricité ; décider si les centrales actuelles devront être remplacées par d’autres centrales nucléaires ou par du renouvelable, l’option fossile étant désormais exclue.

Réinvestissement dans le nucléaire existant

Le déclassement à 40 ans des centrales existantes a un coût climatique élevé. Si Fessenheim était encore en opération, elle pourrait économiser de l’ordre de 4 à 9 Mt de CO2 relativement à des centrales à gaz ou à charbon, soit chez nous, soit via l’exportation d’électricité décarbonée. Le coût financier de l’allongement de la durée d’exploitation des centrales, estimé à 50 milliards, est bien plus modéré ramené au MWh que celui de l’EPR. Le réinvestissement dans le nucléaire existant pour allonger sa durée d’exploitation est justifié sur le plan économique comme sur le plan climatique si les conditions de sécurité sont assurées. D’où le rôle crucial de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Les EPR en question

Le lancement industriel des EPR via le programme dit EPR2 n’aurait aucun impact sur les émissions de CO2 avant 2035, compte tenu des délais. C’est vers 2040 et 2050 que commenceraient à apparaître les impacts. A ces horizons, la décarbonation du système énergétique par le déploiement des renouvelables et de l’hydrogène vert devient une perspective réaliste. Elle présente des avantages en termes de modularité et de sécurité absents de la voie des EPR. Compte tenu de la dynamique des coûts (intégrant le stockage et la mise à niveau du réseau), il est hautement improbable que le MWh sorti d’une centrale EPR devienne compétitif. Il n’y a pas de justification économique ou climatique à lancer industriellement une filière EPR en France.

Christian de Perthuis

Lire l’article de The Conversation : « Le nucléaire, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… »

Lire l’article dans Les Echos : Nucléaire le bon débat

Un avis sur « Nucléaire : le bon débat »

  1. J’ai un peu de mal à comprendre votre argumentaire contre l’investissement dans les 6 premiers EPR.
    L’impératif absolu est la neutralité carbone à terme. 2030 ne constitue qu’une étape intermédiaire. L’objectif est bien d’arriver à une décarbonation totale de l’Europe à partir de 2050… Et au-delà [2050 n’est également rien de plus qu’une étape intermédiaire].
    L’argent que nous dépenserons aujourd’hui et demain doit nous permettre de mettre toutes les chances de notre côté pour y arriver.

    Vous pariez sur l’arrivée, dès après-demain, du stockage inter-saisonnier bon marché grâce à des développement de nouvelles technologies. Ce qui ne constitue rien de moins que du technosolutionisme. L’arrivée de celles-ci est loin d’être certaine, et les contraintes physiques liées à l’hydrogène [sans parler du rendement déplorable du stockage/déstockage via H2], ou les besoins de place et de matières premières de l’utilisation massives de batterie rendent les scénarios faisant appel à une massification de celles-ci rien de moins qu’hasardeuses. Alors qu’une solution, maîtrisée depuis des dizaines d’années, existe: les STEP [excellent rendement, et emprise au sol pas forcément plus élevé que le stockage batterie]. Les possibilité d’extension massive du déploiement de cette technologie est cependant limitée.

    Vous pariez également sur une baisse de la consommation. Celle-ci, mêlant sobriété et efficacité est en effet essentielle à l’atteinte notre objectif de décarbonation. Mais celle-ci doit porter sur les 80% d’énergie d’origine fossile consommée, et devrait s’appuyer sur une hausse importante de la production d’électricité décarbonnée [par ailleurs le scénario de la SNBC fait une part bien trop belle à la biomasse. Qui peut réellement croire qu’une multiplication par un facteur 2,5 de l’utilisation de celle-ci en France peut se faire sans baisser massivement notre stock de carbone / multiplier les cultures énergétiques dédiées, alors que le RC freinera très probablement la croissance des plantes]?

    L’enjeu est trop important pour prendre le moindre risque. Donc ne pas oublier, dans la bataille, d’investir massivement sur des technologies qui ont fait leurs preuves pour la décarbonation massive du système électrique: Hydraulique et Nucléaire. Cela n’empêche aucunement de continuer à investir massivement dans les ENRi, et dans les solutions de stockage.

    Ci-dessous mes 2 scénarios pour 2040:

    1. Aucun saut quantique n’a été effectué dans le stockage énergétique. La France a investi massivement dans les nouveaux réacteurs nucléaires [et dans le renouvelable, Hydraulique, solaire & éolien]. L’accélération du programme nucléaire permet progressivement de remplacer tous les réacteurs arrivant en fin de vie. Et l’arrivée de nouveau moyens de production et d’un certain volant de flexibilité permet de compenser partiellement la baisse de l’énergie fossile, l’efficacité et la sobriété faisant le reste.

    2. Un saut quantique a été effectué [stockage H2]: le stockage intersaisonnier est maintenant envisageable.
    6 nouveaux réacteurs sont connectés au réseau, après un investissement total de 50 MdS d’Euros.
    La décision d’investir dans ces 6 nouveaux réacteurs est sans regret. En effet, une fois l’outil construit, l’électricité de base produite en [à environ 30€ 2022/MWH], est très compétitive économiquement par rapport à celle produite par les ENRi, et ce quelque soit l’hypothèse de baisse des coûts de production pris en compte, étant donné la forte perte énergétique causée par le recours au stockage / déstockage H2 de ces technologies [40 à 70% de pertes]. Ces outils seront bien utilisés jusqu’à leur fin de vie [sauf prise de décision politique / économiquement non rationnelle].

    L’investissement dans les 6 premiers réacteurs est donc un choix économiquement sans regret. Et ce, quelque soit le scénario.

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