A la recherche des bonnes équivalences climatiques entre CO2 et méthane

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Avec Sophie Szopa et Christian Couturier, nous publions ce jour sur ce site un article et ses quatre annexes sur les équivalences climatiques entre méthane et CO2. Pour les lecteurs pressés, en voici l’introduction et la conclusion.

Introduction : on ne peut pas additionner des choux et des carottes

On ne peut pas additionner des choux et des carottes, avons-nous appris à l’école élémentaire. De même, on ne peut pas additionner les tonnes de CO2 et les tonnes de méthane, les deux principaux gaz à effet de serre rejetés par l’activité humaine. Si on veut mesurer leurs contributions respectives au réchauffement global, on doit les convertir dans une unité commune.

La méthode standard, adoptée par la convention cadre de 1992 sur le climat consiste à utiliser le « pouvoir de réchauffement global » sur 100 ans (PRG100) calculé et publié dans les rapports du GIEC. Comme toute convention comptable, cette méthode simplifie une réalité bien plus complexe.

A la suite de l’adoption de l’Accord de Paris, la COP de Katowice a précisé en 2018 que cette métrique standard doit être utilisée pour confectionner les inventaires d’émission de gaz à effet de serre (GES) permettant d’établir et de rendre compte des objectifs d’atténuation de chaque pays. Elle ajoute qu’il est possible, le cas échéant, de compléter ces informations à l’aide d’autres métriques issues des travaux du GIEC.

Au-delà de la confection des inventaires, la métrique du PRG est utilisée de multiples façons dans l’action climatique. Elle est à la base des calculs d’empreintes carbone mesurant l’impact climatique des différents biens et services. Elle permet également de mettre au point des instruments tarifaires pour donner une valeur économique aux externalités climatiques du méthane.

Dans ce contexte, certains acteurs se sont exprimés en faveur d’utilisation de métriques alternatives pour mieux tenir compte des spécificités du méthane dans sa contribution au réchauffement du climat. Sur la période récente, une proposition a particulièrement retenu l’attention, en particulier pour le secteur de l’élevage des ruminants : celle d’appliquer le PRG du méthane, non plus au montant absolu de ses émissions, mais à leur variation en utilisant un indicateur dénommé PRG*.

Cette note examine les principales méthodes mentionnées dans les travaux du GIEC pour calculer les équivalences climatiques du méthane et du CO2. Elle passe ensuite en revue leurs implications pour la conduite des politiques climatiques. Elle préconise enfin de maintenir la métrique actuelle tout en l’améliorant à mesure des progrès des connaissances scientifiques.

 Emissions mondiales de méthane en équivalents CO2
Le PRG* consiste à appliquer le PRG à la variation des émissions de méthane
Conclusion : améliorer la métrique actuelle pour accélérer l’action

Du fait de la courte durée de séjour du méthane dans l’atmosphère et de son intensité radiative élevée, il n’est pas possible d’avoir une équivalence climatique totale entre méthane et CO2. Comme le soulignent les travaux de recherche s’étant penchés sur la question, il n’y a pas de solution idéale pour opérer cette conversion des deux gaz en unité commune.

Une voie pour faire face à cette difficulté serait d’utiliser plusieurs métriques, par exemple suivant les horizons temporels visés ou l’historique des émissions passés. Si la pluralité des indicateurs est nécessaire pour la compréhension des mécanismes physiques, elle ne répond pas aux besoins de l’action climatique qui exige d’aligner les engagements des Etats et les comportements des acteurs grâce à une métrique unique. Comme dans l’économie des flux monétaires, la coexistence de deux métriques ou de deux monnaies serait très contreproductive.

Le meilleur des compromis possibles nous semble de conserver la métrique traditionnelle du PRG100 permettant d’aligner les stratégies d’atténuation des acteurs, tout en l’améliorant au gré des progrès de la connaissance scientifique. Sous cet angle, un apport utile sera d’intégrer les apports du 6ème rapport d’évaluation du GIEC qui distingue le PRG du méthane d’origine biogénique de celui rejeté par l’industrie des énergies fossiles.

Cette distinction permet de mieux positionner le secteur agricole, premier émetteur de méthane, dans les stratégies d’atténuation. De par son caractère biogénique, les émissions de ce secteur devraient être comptabilisées avec un PRG100 légèrement plus faible que celui utilisé pour l’industrie des fossiles. Par ailleurs, les scénarios de stabilisation de la température à terme sont compatibles avec le maintien d’émissions résiduelles d’origine agricole à un niveau nettement plus bas que celles de la période récente. En revanche, l’utilisation du PRG* pour suggérer l’existence d’une neutralité atteinte sitôt que les rejets de méthane se stabilisent n’ont pas de justification sérieuse au plan scientifique.

Pour renforcer l’action d’atténuation, il conviendrait également d’améliorer la qualité et la fiabilité des inventaires nationaux de GES qui constituent l’infrastructure sur laquelle repose l’établissement et le suivi des politiques d’atténuation. Pour les rejets de méthane d’origine fossile, les progrès de l’imagerie satellitaire suggèrent que les inventaires nationaux sont fortement sous-estimés. Les émissions de méthane provenant de l’agriculture et de la gestion des déchets sont dans de nombreux pays calculés à partir de coefficients forfaitaires (méthodologie dite « Tier 1 ») qui simplifient la réalité. Pour mieux guider les actions de réduction, il conviendrait d’encourager la mise en œuvre de méthodes plus fines de calcul, documentées dans les guides méthodologiques du GIEC, mais encore trop rarement utilisées car demandant plus de moyens.

Autre voie prometteuse : la confection de budgets méthane associés aux budgets carbone calculés par le GIEC qui sont devenus des outils largement utilisés pour orienter l’action climatique. Le calcul des budgets méthane pose cependant de grandes difficultés méthodologiques du fait de la difficulté à caractériser les flux d’émission naturels et anthropiques Ainsi, sur la période récente, l’augmentation rapide du stock atmosphérique de méthane ne s’explique pas par les émissions anthropiques calculées dans les inventaires.

La comptabilisation du méthane repose sur le calcul de ses émissions et la métrique utilisée pour le convertir en équivalents CO2. Pour l’améliorer, l’urgent est ne pas changer le thermomètre existant, mais de continuer à le perfectionner en fonction de l’évolution des connaissances.


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