
Après une pause de plusieurs semaines – bénéfique à de multiples points de vue – je poste aujourd’hui les réponses données à Jean-Denis Renard, bien connu des lecteurs de Sud-Ouest pour la perspicacité et la justesse de ses chroniques, lors d’un entretien conduit le 20 janvier dernier.
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Donald Trump a fait part de sa volonté de forer toujours plus pour augmenter la production américaine de pétrole et de gaz. Qu’est-ce qui peut faire obstacle à sa volonté ?
Les prix. Il est exact que les États-Unis sont devenus exportateurs nets de gaz et de pétrole, mais ce n’est pas la Maison-Blanche qui décide de la quantité d’hydrocarbures qui sera mise sur le marché, ce sont les prix. Dès lors qu’on augmente la production et que l’offre est abondante, les prix baissent. Les cours du pétrole ne sont déjà pas au plus haut, loin de là[le baril de Brent, la référence de la mer du Nord, est au-dessous de 80 dollars, NDLR]. Or les ressources américaines sont pour partie constituées de pétrole et de gaz de schiste, qui réclament des investissements conséquents et dont les coûts de production sont bien supérieurs à ceux du pétrole du onéreux pour le pétrole de schiste américain. Si bien que le secteur pétro-gazier retiendra ses investissements si la rentabilité n’est pas au rendez-vous. Dans les années 2010, quand les cours du pétrole étaient au plus bas, le surinvestissement avait mis de nombreuses entreprises en mauvaise posture. Quoi qu’en dise Donald Trump, « business is business ».
Et les réglementations issues de l’administration Biden ?
Joe Biden a posé un certain nombre de verrous, par exemple l’interdiction de forer sur des millions d’hectares de terres fédérales en Alaska, à l’automne 2023. Au début janvier, il a aussi interdit tout nouveau forage en mer sur plus de 2,5 millions de kilomètres carrés le long des côtes américaines. Mais ces réglementations ne résisteront pas à Donald Trump. Les opposants ont peu de chances de se faire entendre par la justice, vu l’orientation politique de la Cour suprême. Sur ce plan, la voie semble dégagée.
Les énergies renouvelables vont-elles s’effondrer aux États-Unis ?
Là aussi, la réalité économique est têtue. Même si le prix du gaz est bas dans le pays, l’électricité y est encore meilleur marché si on la fabrique avec du soleil et du vent, c’est-à-dire du solaire et de l’éolien. Il faut aussi comprendre que la politique économique de Donald Trump peut conduire à des contradictions. S’il installe des droits de douane importants sur les produits chinois, il relancera l’incitation à fabriquer des panneaux photovoltaïques aux États-Unis.
Quelles seront les conséquences concrètes de la sortie des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat ?
Le risque le plus important pèse sur le volet financier. À la COP 29 à Bakou, en décembre dernier, on a finalement trouvé un accord pour financer l’action climatique à hauteur de 300 milliards de dollars par an d’ici à 2035 [avec des capitaux publics et privés] en direction des pays du Sud. Les États-Unis sont les plus gros bailleurs de fonds. Il ne faut pas se faire d’illusions, Trump va couper le robinet. Le seul contrefeu possible consisterait à unir les efforts du bloc européen – l’Union européenne, la Grande-Bretagne et la Norvège –avec la Chine. Mais on voit bien qu’en Europe, le contexte est peu propice à cette prise de relais. En France, on est en train d’écraser l’aide publique au développement, avec une baisse de 10 % l’hiver dernier et une nouvelle baisse qui s’annonce. Or ces financements ne sont pas optionnels dans les pays les moins avancés. Les besoins y montent en flèche pour l’adaptation au changement climatique et la couverture des dommages que l’on constate déjà. Les pays du Sud ne considèrent pas ces financements comme des aides en provenance des pays du Nord. Pour eux, il s’agit du remboursement d’une dette. Ils ne sont pas prêts à transiger.
Et concernant l’engagement américain de baisse des émissions de gaz à effet de serre de 61 à 66 % d’ici à 2035 (par rapport à 2005) ?
Trump n’a pas de politique climatique. Il faut considérer que les États-Unis n’ont plus d’objectif de baisse de leurs émissions. L’Union européenne n’est pas beaucoup plus claire. L’an passé, la Commission de Bruxelles a émis l’hypothèse d’une nouvelle cible : une baisse de 90 % des émissions en 2040 (par rapport à 1990). Cette proposition n’est pas à l’aube d’être votée au Parlement européen ! Ceci dit, l’arrivée de Donald Trump ne signifie pas que tout va s’arrêter dans le monde. Je pense que la montée en puissance des énergies renouvelables se poursuivra. Elles sont partout compétitives, même quand on tient compte des frais d’adaptation du réseau électrique. La voiture électrique a fait une percée notable en Chine. Une voiture neuve sur deux y est électrique ou hybride rechargeable. L’électrique va gagner d’autres pays dans l’orbite commerciale chinoise, qu’il s’agisse du Vietnam ou de l’Indonésie. Mais avec les États-Unis hors du jeu, le rythme de la transition sera plus faible. Ce qui nous pose un gros problème : aujourd’hui, c’est le rythme qui compte !
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Lecture complémentaire
Dans un article « How much oil can Trump pump? » publié en décembre dernier, The Economist s’interroge sur le potentiel d’accroissement de la production pétrolière américaine. Citant une étude de la Réserve fédérale de Saint-Louis, il estime que le prix du baril devrait avoisiner 89 dollars pour inciter les producteurs américains à relancer la production. Or, ce prix ne décolle pas de 70 dollars, malgré la gravité des tensions au Moyen Orient et les incertitudes sur la capacité d’exportation de la Russie.
Selon l’hebdomadaire, il y a peu de chance que Trump relance la production pétrolière. Le jugement est un peu plus nuancé en ce qui concerne le gaz dont le prix est nettement plus faible aux Etats-Unis que sur les marchés européens et asiatiques.

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Que se passera-t-il si un accord (international) de paix était enfin trouvé entre l’Ukraine et la Russie ? L’embargo appliqué à la Russie devrait être levé et lui permettre de revendre librement et directement ses pétroles et gaz sur le marché international, cela à prix réduits pour redresser plus rapidement son économie saignée par plus de 3 ans d’un conflit désastreux. Le cours du pétrole devrait donc baisser et défavoriser les ambitions nationales US du « drill à tout va » si sa rentabilité n’est plus là ?
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Absolument sauf si on abaisse le prix de revient par des subventions…
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