A… Comme Aide publique au développement (APD)

En complément de la chronique parue ce jour dans Les Echos sur la « trumpisation » des politiques publiques, je viens d’ajouter une entrée dans l’abécédaire de mon site : A… Comme Aide publique au développement. Pour tous ceux qui souhaitent mieux comprendre ce volet de la trumpisation auquel il convient d’apporter les bonnes réponses.

Définitions :

  • Aide publique au développement (APD) :  « Ensemble des dons et des prêts à conditions très favorables (nets des remboursements en capital) accordés par des organismes publics aux pays et aux territoires figurant sur la liste des bénéficiaires du « Comité d’aide au développement » (CAD) de l’OCDE ». Site de l’INSEE
  • APD :  « Soutien financier des donateurs officiels aux bénéficiaires de l’aide – les pays à revenu faible ou intermédiaire. Elle consiste principalement en des dons ou des prêts à taux réduit, et représente plus des deux tiers du financement extérieur des pays les moins avancés ». Site de l’OCDE

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Bref historique

Le concept d’aide au développement prend ses racines au lendemain de la seconde guerre mondiale, sous la double influence du plan Marshall destiné à la reconstruction et de la décolonisation qui fait apparaître d’immenses besoins de financement. Il est porté par les grandes figures de l’économie du développement que sont alors Raúl Prebisch et Arthur Lewis.

Le concept prend forme dans les années 1960. L’OCDE crée son « Comité d’aide au développement » en 1961. En 1969, le rapport Pearson, commandé par la Banque Mondiale, propose un objectif quantitatif de 1% du PIB pour la totalité de l’aide apportée par les pays riches, avec un minimum pour sa partie publique. Un an plus tard, l’Assemblée générale des Nations Unies adopte en 1970 l’objectif de porter l’APD à 0,7% du revenu national brut (RNB).

Dans les années 1970 et 1980, la part du revenu national des pays riches dédiée à l’APD ne décolle pas et régresse même durant la décennie 1990. Durant cette période, les modalités de l’APD sont également critiquées par des économistes libéraux comme Milton Friedman ou keynésiens comme Angus Deaton. A leurs yeux, ces modalités maintiennent les pays moins avancés dans des situation de dépendance tout en favorisant la corruption.

En 2002, la conférence de Monterrey remet à jour l’objectif de 0,7%. Elle trace également de nouvelles voies pour la mise en œuvre de l’APD s’inspirant des travaux de l’économiste Amartya Sen. Le « consensus de Monterrey » recommande de cibler le renforcement des capacités locales par des projets qui mobilisent les acteurs de la société civile.

La conférence de Monterrey facilite la remontée de l’APD à 0,3% du revenu national entre 2000 et 2005, un chiffre qui ne sera guère dépassé durant les quinze années qui suivent. Au début des années 2020, les ravages de l’épidémie de COVID, l’aggravation des crises alimentaires et l’afflux de réfugiés provoquent une nouvelle remontée de l’APD à 0,38% du revenu national en 2023, un niveau jamais atteint depuis la fin des années 1960.

En 2023, les Etats-Unis et l’Allemagne, les deux premiers contributeurs, fournissent 46% de l’APD apportée par les membres du CAD. Cinq pays (Norvège, Luxembourg, Allemagne, Suède et Danemark) dépassent 0,7%. Avec une APD représentant 0,48% de son revenu national, la France arrive au onzième rang des donateurs.

Ce que contient l’APD

En premier lieu, l’APD ne comprend pas la totalité de l’aide au développement. Les aides privées émanant de fondations ou de mécènes (environ 5% de l’APD) de même que celles émanant de pays non membres du CAD (environ 7% de l’APD) ne sont pas incluses, dans son périmètre.

Source des données : Politique d’aide au développement, Annexe au projet de loi de finances pour 2024

L’APD comprend les aides fournies par des dons et subventions financés par l’Etat ou des collectivités territoriales. Cela inclut l’aide au développement proprement dite dont la plus grande partie transite par l’Agence française de développement. Il faut y ajouter les bourses accordées aux étudiants issus des pays éligibles étudiant en France et les aides au titre de la prise en charge des réfugiés sur le territoire français.

L’ADP inclut également les aides apportées par des prêts accordés à des conditions préférentielles aux pays du Sud dénommés « prêts concessionnels ». Dans le cas de ces prêts, seul est comptabilisé le financement de la bonification, suivant une méthodologie commune adoptée en 2018. On parle alors « d’équivalent don ».

Une partie significative de L’ADP est acheminée vers les destinataires par voie multilatérale. Dans le cas de la France, son principal canal est le budget européen par lequel a transité en 2022 47% de de l’aide multilatérale. Sur la période récente, une partie croissante de cette aide a été allouée aux fonds internationaux pour l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique.

Une caractéristique propre à la France est l’importance des aides à destination du continent africain. En 2023, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Nord ont été les deux premières zones d’intervention de la France. La Côte d’Ivoire, le Maroc et l’Egypte ont été les trois premiers pays de destination de l’APD.

Source : portail data.aide-developpement.gouv.fr

Un brusque retournement de tendances

Le graphique ci-dessous retrace l’évolution depuis 1970 de l’APD française exprimée en % du RNB. l’évolution récente montre un très fort retournement de tendances. Le mouvement n’est pas qu’hexagonal. Il touche également des pays aussi différents que les Etats-Unis, la Suède, les Pays-Bas ou l’Allemagne.

Sous le premier mandat d’Emmanuel Macron, l’APD s’est rapidement redressée, passant de 0,43% du RNB à 0,56% en 2022. Cette tendance s’est brusquement retournée en 2023, dernière année connue, avec un recul de 8,6% du montant de l’aide. En cause : la suspension de l’aide à destination du Mali, du Burkina Faso et du Niger, le recul des montants dirigés sur certains programmes multilatéraux et le tassement des dépenses au titre de l’accueil des réfugiés. Cette baisse ne peut que s’amplifier :

  • en 2024, les budgets de la mission ADP, qui regroupe les principaux financements budgétaires dédiés à l’Agence française de développement, ont été gelés dans la loi de finances initiale puis ont subi un coup de rabot de 780 M d’€ en février 2024.
  • En 2025, nouveau coup de rabot dans la loi de finances, avec un recul de 2,1 Md d’€ di budget de la mission APD, soit un recul de 37% à périmètre constant. Le budget du Fonds de solidarité pour le développement, antérieurement abondé par une partie des taxes sur les billets aériens et sur les transactions financières, a en effet été rattaché à la mission ADP qui regroupe les actions directement financées par le budget.

Compte tenu de ces informations, nous estimons que l ‘APD est susceptible de reculer de 10% en valeur en 2024 et de 15% en 2025, ce qui la porterait à 0,35% du PIB en 2025 : son niveau le plus bas depuis 25 ans.

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Pour aller plus loin:

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