
Démantèlement des normes environnementales, relance des énergies fossiles, refoulement des immigrés, assèchement de l’aide au développement… Les slogans martelés à chaque meeting de campagne du candidat Trump sont désormais mis en oeuvre méthodiquement. On feint pourtant d’être surpris de ce côté-ci de l’Atlantique et on s’indigne de cet incroyable backlash. Et pourtant, ne sommes-nous pas en train d’opérer furtivement les mêmes revirements ?
La puissante Agence environnementale américaine (EPA), désormais présidée par un industriel qui a fait fortune dans les gaz de schiste, est clairement sous les feux de la nouvelle administration républicaine. On n’en est pas là en France. Et pourtant, l’Ademe et plus encore l’Office français pour la biodiversité font l’objet d’une inquiétante campagne de dénigrement relayée par une partie de la classe politique. Quant aux normes environnementales, le projet de loi agricole portée par le gouvernement aboutira à leur démantèlement en règle s’il n’est pas amendé.
« Drill, baby, drill. » On aurait pu penser que le slogan ne traverserait pas l’Atlantique, pour des raisons géologiques : le site de Lacq, hier principale ressource nationale en énergie fossile, a été vidé de tout son gaz naturel. C’était oublier qu’il reste quelques nappes de pétrole en Aquitaine, dont on a récemment décidé de poursuivre l’exploitation. Mieux, un ancien Premier ministre qui a rejoint l’équipe gouvernementale milite pour la relance de l’exploration de pétrole en Guyane où l’on soupçonne l’existence de gisements exploitables.
Les images de militaires américains ramenant dans leurs pays d’origine des personnes enchaînées ont fait le tour du monde. Nos transports de troupes n’ont pas encore été mobilisés. Mais chaque embarquement d’illégaux dans les avions de ligne est désormais salué comme une victoire par nos ministres de l’Intérieur et de la Justice. Comme si notre politique migratoire s’était fixée des quotas d’expulsion à atteindre. La France, terre d’asile ?
Si le but est d’inverser les flux migratoires, au moins pourrait-on mettre quelques moyens supplémentaires pour l’aide au développement. On fait l’inverse. Outre-Atlantique, l’USAID est en voie de démantèlement. En France, la loi de finance récemment adoptée a taillé à la hache dans les moyens mis à la disposition de l’Agence française de développement. En 2021, les députés avaient voté une loi de programmation visant à porter l’aide publique au développement à 0,7 % du PIB en 2025. A la suite de leur vote du budget, ce montant risque de descendre cette année en dessous de 0,4 %. Son plus bas niveau depuis vingt ans !
Face aux choix rétrogrades de Trump, l’indignation est une réaction contreproductive. Elle n’a aucune chance d’influer le cours des choses outre-Atlantique. Pire, elle détourne notre regard d’une lame de fond qu’il est urgent d’endiguer : la trumpisation à bas bruit de nos politiques publiques.
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Complément sur l’aide au développement
Les données les plus complètes et homogènes sur l’aide publique au développement (ADP) sont celles établies chaque année par l’OCDE pour l’ensemble des pays donateurs. Le graphique ci-dessous reproduit l’évolution de l’APD française exprimée en % du revenu national brut (RNB).

Sous le premier mandat d’Emmanuel Macron, l’APD s’est rapidement redressée, passant de 0,43% du RNB à 0,56% en 2022. Cette tendance s’est brusquement retournée en 2023, dernière année connue, avec un recul de 8,6% du montant de l’aide. En cause : la suspension de l’aide à destination du Mali, du Burkina Faso et du Niger, le recul des montants dirigés sur certains programmes multilatéraux et le tassement des dépenses au titre de l’accueil des réfugiés. Cette baisse ne peut que s’accentuer :
- en 2024, les budgets de la mission ADP, qui regroupe les principaux financements budgétaires dédiés à l’Agence française de développement, ont été gelés dans la loi de finances initiale puis ont subi un coup de rabot de 780 M d’€ en février 2024.
- En 2025, nouveau coup de rabot dans la loi de finances, avec un recul de 2,1 Md d’€ de la mission APD, soit un recul de 37% à périmètre constant. Le budget du Fonds de solidarité pour le développement, antérieurement abondé par une partie des taxes sur les billets aériens et sur les transactions financières, a en effet été rattaché à la mission ADP qui regroupe les actions directement financées par le budget.
Compte tenu de ces informations, nous estimons que l ‘APD au sens de l’OCDE est susceptible de reculer de 10% en valeur en 2024 et de 15% en 2025, ce qui la porterait à 0,35% du PIB en 2025.
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