Gouvernement Lecornu 2 : quelle feuille de route climatique ?

Le CITEPA a publié la semaine dernière son baromètre des émissions  mensuelles de gaz à effet de serre (GES) couvrant les 6 premiers mois de l’année. Après la hausse surprise de 0.9% au premier semestre 2025, les émissions brutes (hors changements d’usage des terres) ont baissé de 2,5 % au second semestre.

 Pour l’année 2025, les experts du CITEPA confirment leur prévision d’une baisse de 0,8% des émissions quand l’INSEE mise sur un recul de 1,3% et REXECODE de 1,9%.

Ce sont les dernières informations que le nouveau Premier ministre, « en charge de la planification écologique et énergétique », va trouver sur son bureau, au moment où il devient urgent de cesser la procrastination en publiant la feuille de route climatique du pays, attendue depuis maintenant plus de deux ans.

Trois jeux de prévision disponibles

Comme pour la macroéconomie, plusieurs organismes publient désormais des prévisions d’émission de GES à partir des informations connues sur le début d’année et des hypothèses d’évolution des variables explicatives sur la fin d’année :

• Avec une baisse attendue de 0,8% sur l’année 2025, le CITEPA anticipe une décélération relativement à 2024 (-1,8%) et surtout 2023 (-6,8%). Cette décélération résulte principalement de la quasi-stabilité des émissions du bâtiment et du secteur de l’énergie, deux secteurs en nette baisse les deux années antérieures ;
• L’institut REXECODE anticipe pour 2025 des émissions en recul de 1,9% en 2025, soit un rythme voisin de celui observé en 2024. Une partie des écarts avec le CITEPA provient de l’estimation différente des émissions sur le début d’année (tableau) ;
• L’INSEE travaille sur un périmètre d’émissions un peu plus large que le CITEPA et REXECODE, incluant les émissions des transports internationaux (aviation et transport maritime). Il anticipe un recul de 1,3% des émissions, soit une baisse comparable à celle de 2024 (-0,9%).

Aucune de ces prévisions ne permet de conclure à un changement de rythme des émissions entre 2024 et 2025. En revanche, il y a consensus pour indiquer que la trajectoire récente des émissions n’est absolument pas en phase avec les objectifs climatiques du pays.

Quelle feuille de route pour le climat ?

Pour respecter l’objectif climatique européen (baisse de 55% en 2030 relativement à 1990) adopté au Conseil des chefs d’Etat de décembre 2020, la France doit ramener ses émissions brutes à environ 260 millions de tonne de CO_2eq en 2030.

La transposition nationale de cet objectif se fait par l’adoption de la feuille de route climatique : la « stratégie nationale bas carbone » (SNBC) qui aurait dû être adoptée avant l’été 2023. Du fait de la procrastination des différents gouvernements, cette feuille de route n’est toujours pas publiée. Ce sera l’une des tâches du nouveau Premier ministre. Les informations récentes du CITEPA fournissent les termes de l’équation à résoudre.

Pour respecter l’objectif européen qui nous engage depuis 2020, il faut ramener les émissions brutes à 260 Mt de CO_2eq en 2030. Depuis 2005, les émissions nationales suivent une tendance baissière de -2% l’an. Le rythme de baisse ne s’est pas accéléré depuis 2020, alors même que l’objectif climatique européen était fortement rehaussé.

Si on reste sur cette tendance, on émettra en France de l’ordre de 320 MtCO_2eq, soit un dépassement de 60 MtCO_2eq. En retenant la prévision du CITEPA pour l’année 2025, il faudra dès lors passer à un rythme annuel de baisse de 5,5% entre 2025 et 2030 pour respecter nos engagements. Où trouver ces baisses supplémentaires ?

Dynamiques sectoriels : ne pas ralentir dans les transports et l’agriculture

Les trois secteurs ayant le plus contribué à la baisse des émissions sont l’industrie, l’usage des bâtiments et l’énergie. La contre performance des émissions du secteur des bâtiments en 2025 résulte principalement de la météo (hiver rigoureux en début d’année). Le rythme de baisse antérieure pourra facilement être retrouvé et peut s’accélérer si on envoie les bonnes  incitations (aides aux rénovations et tarification du gaz versus électricité).

Pour l’énergie qui est le secteur à avoir réduit le plus rapidement ses émissions, les marges de réduction d’émission seront désormais bien plus limitées, la production électrique étant désormais largement décarbonée. Dans l’industrie, les réductions d’émission les plus  faciles à atteindre ont déjà été opérées. La poursuite et l’accélération de la réduction des émissions passe par des investissements lourds de décarbonation qui tardent à venir, comme dans la sidérurgie.

Restent l’agriculture et le transport qui contribuent à un peu moins de 55% des émissions nationales en 2025 (hors transports internationaux). Pour respecter nos engagements climatiques, il faudra amplifier les actions de réduction d’émission dans ces deux secteurs, et non pas revenir en arrière en matière d’ambition climatique comme cela a été le cas sur la période récente.

Les termes de l’équation sont là. Les arbitrages pour rejoindre la bonne trajectoire d’émission ne sont pas plus simples à rendre que pour faire face au déficit public. Mais l’avenir du pays dépend au-moins autant de la maîtrise de sa dette climatique que de la résorption de sa dette financière.

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• Accéder au baromètre du CITEPA : ICI
• Accéder à la prévision de REXECODE : ICI
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