
Soutenue par une présidente de l’UE issue d’une famille politique plutôt rétive à ce genre d’outil et par un président français qui a consciencieusement enterré le dossier au plan domestique, la taxe carbone aux frontières a été portée au Parlement européen par Yannick Jadot et bénéficie de l’appui des ONG environnementales. Ce consensus de façade repose sur trois malentendus.
Quotas gratuits
Le premier consiste à faire croire à l’opinion que ce sont les Chinois et les Indiens qui paieront la taxe ou le prélèvement opéré sur les produits importés à fort contenu CO2. Ce seront, bien sûr, les consommateurs européens qui le feront, et d’abord les acheteurs de produits de base comme l’acier ou le ciment. Les secteurs concernés, comme la construction ou l’automobile, feront face à une augmentation des coûts susceptible de peser sur leur compétitivité si le dispositif n’est pas correctement calibré.
Le second malentendu concerne les industries sous quotas qui se présentent comme les victimes du système alors qu’elles en ont profité pendant plus de quinze ans en recevant plus de quotas gratuits qu’elles n’en ont restitués. Sous cet angle, le fait d’avoir introduit dans le rapport adopté par le Parlement européen la possibilité d’avoir à la fois la gratuité des quotas et le prélèvement aux frontières est de mauvais augure. Si les industriels concernés obtiennent le beurre et l’argent du beurre, ils continueront à rejeter le CO2 dans l’atmosphère.
Normes climatiques contraignantes
Le troisième malentendu est plus politique. Comme l’a montré le Nobel d’économie William Nordhaus dans son analyse du « Club carbone », l’objectif premier du prélèvement aux frontières doit être d’inciter les partenaires de l’UE à rejoindre la coalition des pays tarifant le CO2 au bon niveau. L’instrument ne peut se substituer à une réorientation de la politique commerciale de l’UE. Dans un contexte mondial dominé par la multiplication des querelles commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, l’Europe doit donner de la voix en imposant une règle simple : compte tenu de l’urgence climatique, il convient désormais de subordonner la liberté du commerce à des normes climatiques contraignantes.
Ce billet a été publié dans Les Echos du 30 mars 2021.