L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) publie cette semaine son Africa Energy Outlook. Comme à l’accoutumée, ce document réunit une information très riche qui dévoile les atouts du continent en matière de transition énergétique, mais aussi ses vulnérabilités. Voici quelques éléments qui m’ont frappé.
L’accès à l’électricité
Parmi les conditions du développement et de la sortie de la pauvreté, l’accès à l’énergie est une variable importante. Sous cet angle, la baisse des coûts du solaire photovoltaïque a été un vecteur de progrès important en réduisant le nombre de personnes sans accès à l’électricité entre 2013 et 2019, notamment en milieu rural.
La crise sanitaire a gravement inversé cette tendance : l’AIE estime que que le nombre de personnes vivant sans électricité a remonté de 4 % entre 2019 et 2021 (graphique ci-dessus). Elle observe simultanément une augmentation de celles utilisant des systèmes de cuissons traditionnels dangereux pour la santé.
Ces tendances devront être rapidement inversées pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. D’après les calculs de l’Agence, il faudrait mobiliser pour les atteindre de l’ordre de 25 milliards de dollars par an. Une somme élevée ? Le montant correspond à la construction d’un seul terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) de grande dimension. Mais améliorer l’accès à l’énergie se heurte à bien d’autres obstacles que la seule mobilisation du capital financier.
60 % des meilleurs sites mondiaux mais seulement 1% des capacités solaires installées !
Dans les scénarios prospectifs, pour élargir l’accès à l’énergie tout en limitant les émissions de CO2 liées aux énergies fossiles, l’AIE mise sur l’électrification du système énergétique portée par une accélération des renouvelables. Le gaz d’origine fossile joue un rôle complémentaire. Pour le gaz, l’Agence recommandant de redéployer les nouveaux projets vers le seul marché africain.
Ici encore, la crise sanitaire a sévèrement affecté le continent. Alors que les nouvelles capacités installées en solaire photovoltaïque n’ont pas ralenti dans le monde, elles ont chuté des deux tiers en 2020. La reprise de 2021 a été limitée, le rythme des nouvelles installations n’ayant pas rejoint celui de 2019 (graphique ci-dessous).
Cette contre-performance inquiète. L’Agence rappelle en effet que si le continent africain réunit 60 % des sites les plus favorables au solaire dans le monde, il ne compte que pour 1 % des capacités mondiales installées.
Un potentiel sans pareil de production d’hydrogène vert
L’hydrogène décarboné est également un domaine dans lequel le continent dispose d’un potentiel considérable. Les experts de l’Agence estiment que l’Afrique pourrait, à partir de ses ressources solaires et éoliennes, théoriquement produire jusqu’à 5 Gt d’hydrogène décarboné en 2030, à un coût unitaire inférieur à 2€/Kg. Autrement dit, un coût plutôt compétitif à l’échelle internationale. Principales zones identifiées : Afrique du nord, Corne de l’Afrique, région sud du Continent.
Concernant le marché intérieur, l’un des débouchés les plus porteurs serait la fabrication d’ammoniac, plus facile à transporter que le H2, et qui pourrait réduire la dépendance de l’Afrique aux engrais azotés.
Les experts de l’AIE estiment qu’une partie des capacités de production africaines pourrait être destinée au marché européen où le déploiement des solutions à l’aval sera plus rapide et où la disponibilité en électricité décarbonée risque d’être un sérieux goulet d’étranglement. Un tel courant d’exportation permettrait aussi de trouver une alternative aux devises actuellement engrangées grâce au exportations de pétrole et, de plus en plus, de gaz d’origine fossile.
Accéder au rapport de l’AIE : https://www.iea.org/reports/africa-energy-outlook-2022
Retour à l‘accueil
Christian de Perthuis 