
Que penser du plan de « sobriété énergétique » annoncé par Emmanuel Macron dans son interview du 14 juillet ? Ma réaction, sous forme d’une tribune que m’a demandée l’hebdomadaire Le Point.
Dans son discours de campagne de Marseille, Emmanuel Macron s’était approprié le terme de planification écologique, concept pivot dans l’approche de Jean-Luc Mélenchon. Un nouvel emprunt sémantique vient d’être opéré dans l’interview du 14 juillet avec l’annonce de la préparation d’un plan de sobriété énergétique. Un tournant, plutôt bienvenu, dans notre politique énergétique ?
Commençons par définir avec précision le terme. Le centre lexical du CNRS évoque à son propos « la tempérance dans le boire et le manger ». Appliquée à l’énergie une telle tempérance renvoie à une logique de limitation volontaire dans l’usage des services énergétiques. Lorsque cette limitation est imposée, on utiliser plutôt le terme de rationnement.
Sobriété et efficacité énergétique
Qu’elle soit subie ou volontaire, la sobriété ne doit pas être confondue avec l’efficacité énergétique. L’efficacité énergétique permet d’économiser la quantité d’énergie primaire requise pour obtenir un service énergétique donné. La sobriété consiste à réduire ses besoins en services énergétiques.
La stratégie française bas carbone fait par exemple la part belle à l’efficacité thermique des bâtiments pour réduire les émissions. Compte-tenu du nombre de logements à rénover, c’est pourtant une voie qui ne peut porter ses fruits qu’à long terme. L’analyse des opérations effectuées dans le logement ancien révèle de plus qu’une partie significative des gains attendus n’est pas au rendez-vous. Les occupants des logements après rénovation en profitent pour se chauffer plus à budget inchangé. Les économistes appellent cela « l’effet rebond ».
L’effet rebond joue à plein pour la mobilité. A cylindré comparable, les véhicules thermiques consomment moitié moins de carburant au km que celles produites dans les années 1970. Mais le gain au km a été surcompensé par l’accroissement du nombre de km parcourus et par l’augmentation de la taille et de la puissance des véhicules. Résultat : le transport par route compte pour le tiers des émissions nationales.
Les exemples du bâtiment et de la mobilité montrent le gisement considérable d’économie pouvant résulter de comportements plus sobres : régler avec parcimonie le chauffage et la climatisation dans les bâtiments et limiter le nombre de m2 concernés ; covoiturer, utiliser les transports en commun, pratiquer la mobilité douce et limiter sa vitesse en ce qui concerne le transport. L’éclairage, seul exemple donné par le chef de l’Etat dans son interview, constitue également un gisement d’économie, mais nettement plus faible.
Les questions qui fâchent
Le plan de sobriété annoncé va-t-il augurer d’une bifurcation durable dans notre politique énergétique ? Dans les propos du chef de l’Etat, ce plan est justifié par l’urgence imposée par la guerre en Ukraine et les risques de pénurie physique de gaz l’hiver prochain. Il comportera sans doute une panoplie de mesures à court terme pour baisser de 10 % notre consommation énergétique d’ici 2024. La simple application de mesures déjà existantes comme la limitation du chauffage à 19°C ou de la climatisation à 26°C (Code de l’énergie de 2016) y contribuerait.
Si l’objectif est atteint, ce sera un belle performance. Mais ensuite ? La guerre en Ukraine nous impose la sobriété à court terme. L’urgence climatique nous oblige à engager des transformations s’inscrivant dans la durée pour bifurquer vers une société sobre en carbone. C’est pourquoi le futur plan de sobriété énergétique ne devra pas éluder les questions qui fâchent, à commencer par celle du prix des énergies fossiles et de la distribution des rentes énergétiques qui en résultent lorsque le CO2 n’est pas correctement tarifé. La question de l’équité dans la répartition des efforts est également centrale : liberté, égalité, sobriété !
Lire la tribune sur le site du Point
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