L’agroécologie : des enjeux climatiques souvent sous-estimés

Tribune parue dans Les Echos du 25 nov. 2022

Pour la première fois, l’agriculture a été inscrite à l’ordre du jour de la COP sur le climat , tenue à Charm el-Cheikh en novembre 2022. Une journée thématique lui a été consacrée. C’est un début, encore timide. Pour se remettre sur une trajectoire de 1,5 °C et renforcer la résilience face aux impacts du réchauffement, il est urgent d’accélérer la transition agroécologique. Il faut passer du stade de la discussion à celui de la mise en oeuvre.

C’est ce que font nombre d’ONG de développement agissant sur le terrain dans des conditions de plus en plus difficiles avec les chocs successifs du Covid, des extrêmes climatiques frappant à répétition, de la remontée du prix des denrées de base et de l’énergie. De ces pratiques de terrain, nombre d’enseignements peuvent être remontés. Examinons ceux tirés d’un projet conduit par Agrisud avec ses partenaires à Madagascar.

Résilience face aux chocs climatiques

Dans la région montagneuse de Haute Matsiatra située au centre de l’île, le réchauffement climatique se traduit par une irrégularité croissante des précipitations et la multiplication des stress hydriques. La ressource en eau ne parvient plus à satisfaire l’ensemble des besoins et engendre des pénuries prolongées dans la capitale Fianarantsoa.

Certaines pratiques agricoles – abattis brûlis, défrichage des pentes, régénération des pâtures par le feu – aggravent la rareté de l’eau qui ne s’infiltre plus dans les sols et provoquent l’érosion des pentes. Face à ce cycle infernal, différents acteurs territoriaux se mobilisent depuis 2016, dans le cadre de l’aménagement du bassin-versant de Soarano basé sur une gestion intégrée de l’eau.

Agrisud les aide à prendre en charge la composante agricole du projet. Les changements de pratiques agricoles ont touché plus de 1.340 petites exploitations agricoles qui ont intensifié leur production grâce à des techniques qui renforcent la résilience face aux chocs climatiques : pratique de courbes de niveaux associées à la replantation d’arbres, maintien d’un couvert végétal plus pérenne par réduction des jachères et réhabilitation des prairies, etc.

Stockage du CO2

Ces pratiques agricoles permettent de produire plus de biens alimentaires tout en luttant contre la raréfaction de l’eau. Elles facilitent également le stockage du CO2 par l’écosystème grâce aux plantations d’arbres associées aux investissements et à la protection des sols agricoles qui sont aussi des stockeurs potentiels de carbone.

Autrement dit, ce type de projet contribue à la fois à l’adaptation aux impacts du réchauffement climatique (résilience face aux vagues de sécheresse) et à son atténuation (stockage de CO2) : les deux jambes de l’action climatique.

L’une des difficultés rencontrées concerne l’accès au foncier. Elle constitue un obstacle très fréquent aux changements des techniques agricoles : si l’accès des petits producteurs agricoles à la terre n’est pas sécurisé, il ne faut pas compter sur eux pour s’investir dans l’agroécologie.

Volet socio-économique

La réplicabilité à grande échelle de ce type de projet dans nombre de zones montagneuses ou vallonnées est donc conditionnée par des paramètres socio-économiques qu’il convient de prendre en compte. L’agroécologie n’est pas qu’une affaire de technique. C’est également une transformation des structures socio-économiques locales.

C’est peut-être le volet qui a le plus manqué à Charm el-Cheikh. On y a beaucoup parlé technique et pas suffisamment des conditions sociales et économiques du changement. Pourtant, au Sud comme au Nord, l’agroécologie ne s’imposera que si elle améliore les conditions de vie de la masse des petits producteurs qui figurent parmi les populations les plus exposées aux impacts du réchauffement climatique.

Odom Botoela (Chef du projet Kolorano – Agrisud International à Madagascar ), Adrien Lepage (Représentant d’Agrisud International à Madagascar ), Christian de Perthuis (Administrateur d’Agrisud International)

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