Une COP peut en cacher une autre

Article paru dans Le Point du 13 décembre 2022

Le mot COP est entré dans le vocabulaire courant. Il est associé à la COP climat qui se tient chaque année sous l’égide des Nations Unies. A Charm el Cheikh, c’était la 27ème COP climat. Et voilà que se tient dans la foulée une COP15 sur la biodiversité à Montréal. Ce sera la troisième COP de l’année. En mai dernier, une autre COP15 s’était réunie à Abidjan, pour lutter contre la désertification.

 Décidément, une COP peut en cacher une autre. Comment s’y retrouver ? Petite explication de texte.

Les COP qui fonctionnent et les trains qui arrivent à l’heure

Commençons par un peu de sémantique. La COP est un acronyme qui signifie « Conference of the Parties ». Une COP désigne l’organe suprême d’un traité international placé sous l’égide des Nations Unies. Ces traités, dénommés « conventions », ne concernent pas tous l’environnement, loin de là. Il y a donc plusieurs dizaines de COP qui se réunissent chaque année.

En matière environnementale, quatre conventions majeures ont été adoptées depuis la création des Nations-Unies. La première l’a été à Vienne en 1985, pour nous protéger de la destruction de la couche d’ozone. Avec son principal texte d’application, le protocole de Montréal (1987), elle a été un grand succès. La couche d’ozone a cessé de se rétracter.

Plus personne ne parle donc de cette convention dont l’application et le suivi nous protègent pourtant d’un dommage environnemental majeur : sans la couche protectrice d’ozone, la vie serait impossible sur Terre ! Les médias ne parlent pas plus des conventions environnementales qui marchent que des trains arrivant à l’heure. Ce qui n’est pas très rassurant pour la convention climat dont on parle tant.

Les trois conventions du sommet de Rio : climat, biodiversité, désertification

En 1992, se tient à Rio le sommet de la Terre, sous l’égide des Nations-Unies. Au terme du sommet, les conventions climat et biodiversité sont adoptées. Celle sur la désertification, discutée pendant le sommet, le sera deux ans après à Paris.

Ces trois conventions sont entrées en vigueur durant la décennie 1990, après ratification par un nombre suffisant de pays. Aujourd’hui, elles lient tous les pays du monde, avec une exception de taille : les Etats-Unis n’ont jamais ratifié la convention sur la biodiversité.

La COP climat se réunit tous les ans. C’est pourquoi on en est déjà à la COP27. On a juste pris un an de retard en 2020, pour cause de confinement. Sur la désertification et la biodiversité, on n’en est qu’à la COP15 car l’organe souverain de la convention ne se réunit que tous les deux ans.

Des conventions avec des grands principes, c’est bien. Mais cela ne fait guère bouger les choses. C’est pourquoi ces conventions sont complétés par des textes d’application. Les deux principaux textes d’application de la Convention climat sont bien connus. Il s’agit du Protocole de Kyoto, adopté en 1997 à la COP3, auquel a succédé l’Accord de Paris adopté lors de la COP21 en 2015.

Des interdépendances multiples

Les trois problématiques des conventions de 1992 sont interdépendantes. Le réchauffement climatique accélère la désertification en accroissant la température et le stress hydrique dans la grande majorité des zones semi-arides. Il pèse également sur la diversité du vivant. Dans le cas des coraux, le phénomène est spectaculaire. Mais le mouvement est plus général : la capacité d’adaptation des espèces vivantes au changement climatique est limitée. Certaines souffrent et peuvent péricliter. D’autres tentent de migrer vers les pôles, ce qui fragilise nombre d’écosystèmes.

Atteindre la neutralité climat, comme le vise l’Accord de Paris, pour stabiliser la hausse du thermomètre facilitera donc la tâche des conventions sur la biodiversité et la désertification.

Cela joue aussi dans l’autre sens. On lutte contre l’extension des déserts en plantant des arbres et en favorisant l’agroécologie. Cela permet d’absorber du CO2 de l’atmosphère pour le stocker dans les plantes et les sols. L’IPBS, le GIEC de la biodiversité, a identifié les principales causes d’extinction de la biodiversité. L’extension de pratiques agricoles dégradant le milieu naturel au détriment des forêts et des zones humides et la surpêche en mer figurent en pole position. Lutter contre ces pratiques renforce également les puits de carbone qui absorbent le CO2 de l’atmosphère. C’est bon pour le climat.

Les enjeux de ces trois conventions sont directement liés à la sécurité alimentaire mondiale. La guerre en Ukraine aggrave bien sûr la crise alimentaire dans le monde. Mais elle intervient dans un contexte déjà fragilisé par les chocs climatiques à répétition, l’affaiblissement de la diversité du vivant et l’érosion des sols dans le monde. L’envolée du thermomètre sur les grandes plaines canadiennes en 2021 – près de 50°C au pied des rocheuses – a par exemple amputé de 40 % la récolte de blé. Un montant pratiquement égal à une année d’exportation de blé de l’Ukraine !

Ce qu’on peut attendre de la COP15 à Montréal

L’objectif principal est de s’accorder sur un cadre global post-2020, succédant à celui couvrant la période 2010-2020 qui n’a pas atteint ses objectifs. Le projet préparé avant la conférence identifie 21 cibles à atteindre en 2030 pour enrayer l’érosion du vivant. Il prévoit deux types d’action emblématiques.

Primo, porter les aires protégées à 30 % des surfaces terrestres et des eaux continentales (contre 17% précédemment). L’objectif est ambitieux. Restent à définir des règles précises de monitoring et de reporting, sans lesquelles chaque pays peut facilement pratiquer de la conservation au rabais. Le risque est également que l’attention portée aux 30% provoque une accentuation des pressions environnementales sur les 70% restants.

Secundo, supprimer les aides publiques néfastes à la biodiversité. Ici encore, cela exige la mise en place d’une métrique commune pour mesurer ces dépenses et contrôler leur évolution dans le temps. La Chine qui préside la réunion a par ailleurs annoncé la création d’un nouveau fonds international destiné à financer la protection de la diversité du vivant dans les pays moins avancés. Elle a également promis de l’abonder. Les plus grandes réserves de biodiversité se trouvent en effet au Sud alors que le Nord a une responsabilité historique dans la dégradation des écosystèmes naturels.

Au-delà des déclarations d’intention, les progrès de ce cadre d’action global dépendent en premier lieu de la capacité des COP biodiversité à mettre en place un dispositif rigoureux de mesure et de suivi. C’est un enjeu techniquement complexe et politiquement délicat car nombre de pays sont réticents à se conformer à une telle discipline. C’est pourtant à cette condition que les futures COP biodiversité permettront d’enrayer l’érosion de l’abondance du vivant.  

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