Méthane : les constats accablants de l’Agence internationale de l’énergie

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié la semaine passée son Global Methane Tracker 2025. Le constat est accablant. Le secteur de l’énergie recèle les principaux gisements à bas coût de réduction d’émission de méthane. Pourtant, ses émissions n’ont pas été réduites depuis 2015.

  • les énergies fossiles continuent d’émettre chaque année un peu plus de 120 Mt de méthane (40 pour le charbon et 80 pour le pétrole et le gaz), soit l’équivalent de 3,6 GT de CO2. Ces émissions sont des fuites qui apparaissent lors de l’extraction du pétrole, du charbon et du gaz, lors du transport du gaz et même, à hauteur de 8 Mt, dans des puits ou des mines qui ne sont plus en exploitation. Ces 3,6 GT d’équivalents CO2 repartent dans l’atmosphère sans avoir rendu le moindre service énergétique. Ils sont le produit de la négligence et de l’irresponsabilité.
  • Pour un prix de la tonne de carbone de 75 dollars, 3,6 GT d’équivalents CO2 représentent une facture climatique de 270 milliards de dollars. D’après les calculs de l’AIE, cela permettrait de financer l’intégralité des investissements requis pour réduire de 75% les émissions de méthane d’ici 2030.
  • A ce coût climatique exorbitant s’ajoutent les rejets de 20 Mt de méthane provenant de l’utilisation de bioénergies, (18 résultant de la combustion imparfaite de biomasse dans les systèmes de cuisson traditionnels et 2 des bioénergies « modernes »).

Les satellites révèlent la fragilité des inventaires nationaux

Une première condition pour redresser la barre est de comptabiliser correctement les rejets de méthane. Grâce à l’utilisation de l’imagerie satellite, les émissions de méthane sont de plus en plus difficiles à masquer dans les inventaires. D’après l’AIE, lorsque les inventaires nationaux annoncent 100 tonnes d’émission de méthane, il faut comprendre 180, soit une sous évaluation de 45 % en moyenne !

  • Au Proche-Orient, et à un moindre degré en Amérique Latine et en Afrique, les inventaires ne couvrent pas la moitié des émissions ;
  • En Amérique du Nord et en Eurasie (Russie et pourtour de la mer Caspienne), les inventaires captent environ la moitié des émissions ;
  • En Asie Pacifique, les inventaires couvrent environ 75% des émissions. Seuls, les inventaires européens donnent une image nous sous-estimée de leurs émissions de méthane liées à l’énergie.

Les principaux émetteurs de méthane lié à l’énergie fossile

On retrouve, sans surprise, les plus gros producteurs de charbon et de pétrole dans le top 10 des émetteurs de méthane lié à l’énergie fossile. Mais le taux de fuites estimé lors de l’extraction joue également un rôle important.

En matière de pétrole et de gaz, le Turkménistan et le Venezuela battent tous les records, suivis de l’Inde, de l’Algérie et de l’Iran. Pour le charbon, la Russie a un taux de fuites double de la moyenne. A l’inverse, de gros producteurs comme l’Australie et surtout la Norvège n’apparaissent pas car leur taux de fuites est plus bas. En Norvège, les producteurs ont pratiquement éliminé les rejets de méthane car l’industrie du gaz et du pétrole supporte depuis des années une taxation de ses émissions.

Comment redresser la barre ?

Dans la majorité des cas, les techniques pour réduire les émissions de méthane consistent à colmater des fuites, pour récupérer le gaz et le brûler. On n’élimine ainsi pas totalement les émissions. On les réduit cependant massivement car le pouvoir de réchauffement du méthane d’origine fossile est 30 fois supérieur à celui du CO2 sur 100 ans (82,5 fois sur 20 ans). Dans le cas des mines et gisements abandonnés, le gain d’émission est de 100% puisque le méthane est juste retenu dans le sous-sol.

Il n’y a donc aucune barrière technique. Les barrières financières sont ténues. Dans la majorité des cas, une partie du coût d’abattement est financée par la valorisation du méthane récupéré. Avec les progrès de l’imagerie satellite et les travaux de l’AIE, il n’y a plus non plus de barrière sur la connaissance du montant réel des émissions. Il subsiste quelques barrières réglementaires car les rejets de méthane sont parfois liés à des normes de sécurité.

Malgré ce contexte très favorable, l’AIE n’anticipe que des réductions modérées de méthane d’ici 2030, éloignées du gisement de 75 % des émissions à bas coût qui ramènerait les émissions à 40 Mt en 2030.

Il y a donc urgence à accélérer ces réductions d’émissions. A court terme, elles constituent l’un des leviers agissant le plus rapidement sur le réchauffement planétaire. Il faut l’utiliser sans tarder car le stock de méthane dans l’atmosphère s’accroît à un rythme qui a dépassé celui du CO2 depuis le début de la décennie 2020.

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  • Lire le rapport de l’Agence Internationale de l’Energie : ICI
  • Lire l’article du blog sur le Global Methane Budget : ICI
  • Lire l’article du blog sur les équivalences méthane-CO2 : ICI
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2 commentaires sur « Méthane : les constats accablants de l’Agence internationale de l’énergie »

  1. et les émissions « naturelles » de méthane liées à la fonte des pergélisols sont-elles elles également surveillées par satellite et quantifiées ? Elles doivent être croissantes vu le réchauffement climatique majeur des zones des grands nords ?

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