
Dans une nouvelle entrée de l’abécédaire, je reviens sur le concept de « neutralité » : le nouvel horizon des politiques climatiques. Cet objectif nous obliges à marcher sur deux jambes : la transition énergétique pour le carbone fossile, la transition agroécologique pour le carbone vivant. Notre abécédaire corrobore les conclusions du récent rapport conjoint du GIEC et de l’IPBES montrant qu’on ne peut combattre le réchauffement de la planète sans s’occuper de la biodiversité (et vice versa).
La neutralité carbone dans les scénarios du GIEC
Dans le rapport « Global Warming of 1,5°C » publié en 2019, le GIEC a répertorié les scénarios compatibles avec un réchauffement planétaire limité à 1,5°C. Sa première conclusion est qu’il faut viser la neutralité climatique globale dès 2050, soit vingt ans plus tôt que pour viser une cible de 2°C.
Un grand nombre de scénarios sont envisageables pour viser la neutralité en 2050. Le GIEC les a divisés en quatre familles type, schématiquement représentées sur le graphique.

- Le scénario P1 implique une réduction de 58 % des émissions de CO2 et de 24 % de celles de méthane d’origine agricole entre 1990 et 2030. Grâce à cette baisse très rapide, la neutralité climatique est atteinte en 2050 sans déploiement de nouvelles techniques de captage ;
- Les scénarios P2 et P3 réduisent moins fortement les émissions de CO2 d’ici 2030. Il est alors nécessaire de déployer ces techniques de captage de CO2 qui s’appliquent à des sources fossiles mais aussi à de la bioénergie (surfaces en jaune) pour absorber le trop plein de gaz à effet de serre rejeté en début de période.in de CO2 dans l’atmosphère (émissions « négatives ») ;
- Le scénario P4 réduit plus lentement des émissions de CO2 en début de période, ce qui implique le déploiement à grande échelle de ces techniques pour compenser le dépassement du budget carbone global compatible avec une cible de 1,5°C.
L’une des grandes inconnues des scénarios P2 à P4 concerne le potentiel de bioénergie qu’on peut utiliser sans affaiblir la capacité du milieu naturel à absorber le CO2 : par exemple en étendant les surfaces dédiées à la bioénergie au détriment du couvert forestier.
Implications pour l’action climatique : « marcher sur deux jambes »
Les scénarios visant un monde ZEN convergent sur un point : pour viser la neutralité climatique, il ne suffit pas d’accélérer la transition énergétique pour abattre le plus de CO2 possible. Il convient de simultanément opérer la transition agroécologique, la deuxième jambe de l’action qui vise deux objectifs : la réduction des émissions de méthane et de protoxyde d’azote de l’agriculture ; le renforcement de la capacité du milieu naturel, notamment les forêts et les sols agricoles, à absorber le CO2 présent dans l’atmosphère.
Une autre façon de le dire est qu’il faut agir sur deux fronts : celui du « carbone mort« , une matière autrefois vivante qui a été transformée dans le sous-sol en énergie fossile durant des millions d’années (et plus !) par l’action du milieu naturel ; celui du « carbone vivant« , issu de la photosynthèse, qui transforme le CO2 de l’atmosphère en matières vivantes, le premier maillon de la chaine du vivant et de ses innombrables interactions constituant la biodiversité.
En reposant sur ses deux jambes, l’action climatique agit ainsi simultanément en faveur du climat et de la biodiversité.
Consulter : N…Comme Neutralité Climatique
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« L’une des grandes inconnues des scénarios P2 à P4 concerne le potentiel de bioénergie qu’on peut utiliser sans affaiblir la capacité du milieu naturel à absorber le CO2 : par exemple en étendant les surfaces dédiées à la bioénergie au détriment du couvert forestier. »
Pas certain que la bioénergie aie un potentiel réellement supérieur à ce qu’elle délivre actuellement. Compter sur une augmentation des prélèvements de biomasse au moment où le changement climatique fragilise les écosystèmes forestiers et agricoles, donc risque de ralentir la production de biomasse…. Il ne faudrait même pas se poser la question.
Tout scénario impliquant une hausse significative de la production de bioénergie sans recours massif au CCS devrait être exclu.
(Tiens, Negawatt).
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