Le mot de la semaine : « Pacte vert »

Le paquet législatif « Fit for 55 » doit mettre l’Europe sur la trajectoire de neutralité climat

Le parlement européen se prononce aujourd’hui sur le paquet « Fit for 55 », crucial pour mettre en œuvre le « Pacte vert ». Arrêtons-nous sur ce dernier mot sélectionné parmi les « Trente mots du climat », mon dernier ouvrage. Depuis le livre, on peut accéder à la vidéo correspondante enregistrée par Pekoia. Pour la visionner, il vous suffit de cliquer ICI.

Définitions

  • Pacte vert : « Proposition visant à faire de l’Europe le premier continent au monde à être neutre pour le climat » (Site de la Commission Européenne).
  • « Fit for 55 » : « Propositions visant à adapter les politiques de l’Union en matière de climat, d’énergie, d’utilisation des terres, de transport et de fiscalité de sorte à permettre à l’Union de réduire ses émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 1990 » (Site de la Commission Européenne).

Le Pacte vert, ou « Green Deal » européen, a été mis sur la table par la Commission européenne en décembre 2019. Il détaille les transformations requises pour atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Pour y parvenir, il vise une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% minimum entre 1990 et 2030.

Ce double objectif, inscrit dans le marbre par la Loi européenne sur le climat adoptée en 2021, constitue la base de la contribution nationale (NDC) européenne au titre de l’Accord de Paris. Le « Fit for 55 », expression intraduisible en français, est un paquet de textes précisant les politiques et mesures à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif de réduction de 55% d’ici 2030. Il constitue la feuille de route européenne sur le climat.

Bref historique de la fixation des objectifs climatiques de l’UE

Le premier objectif climatique européen a été fixé en 1997, lors de la négociation du Protocole de Kyoto. L’Union s’était engagée à réduire de 8% ses émissions de gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O et gaz fluorés) entre 1990 et 2008/2012. Il n’y avait pas de cible de long terme. L’UE a alors décidé de mutualiser ses efforts de réduction en introduisant en 2005 le système d’échange des quotas de CO2 couvrant les industries les plus émettrices. L’objectif a été d’autant plus facilement atteint que l’UE a été rejointe durant la période par les pays d’Europe de l’Est qui n’avaient pas d’objectifs réellement contraignants.

En 2008, l’UE s’est engagée dans le cadre d’un « paquet énergie-climat » à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20 % entre 1990 et 2020. L’objectif a été atteint dès 2013, soit sept ans en avance. Avec le recul, son caractère contraignant apparaît pour le moins discutable.

Lors de la signature de l’Accord de Paris, l’Union européenne s’est engagée sur une contribution intentionnelle visant à réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. A nouveau, cet objectif a semblé peu ambitieux.

Les élections de juillet 2019 ont provoqué un déplacement des équilibres politiques au sein des instances européennes, favorable à un rehaussement de l’ambition climatique. En décembre 2019, le Pacte vert (« Green Deal ») de la Commission s’est prononcé en faveur d’un objectif de neutralité climat au plus tard en 2050 et d’une réduction de 55% minimum des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030.

Le Conseil européen a entériné l’objectif de -55% en décembre 2020 et l’a transmis au Secrétariat de la CCNUCC au titre de la nouvelle contribution européenne à l’Accord de Paris. Passer de -40% à -55% représente une belle marche d’escalier à franchir. Pour la première fois, l’Union européenne semble avoir pris des engagements climatiques réellement contraignants.

La nouvelle feuille de route climatique : le paquet « Fit for 55 »

Le paquet « Fit for 55 » comporte treize textes qui renforcent des instruments existants ou en introduisent de nouveaux pour accélérer la transition bas carbone. Au-delà de la réactualisation des politiques existantes, la nouvelle feuille de route comporte trois séries d’innovation importantes devant être mises en œuvre à partir de 2023.

La nouvelle réglementation de l’usage des sols doit permettre le renforcement des puits de carbone terrestres. A partir de 2035, l’objectif est que les sols et la forêt absorbent au-moins l’équivalent des rejets de méthane et de protoxyde d’azote par l’agriculture.

Le rôle pivot de la tarification du carbone dans la feuille de route climatique est réaffirmé. Le système d’échange des quotas doit être élargi aux transports internationaux (maritime et aérien) et aux émissions résultant de la combustion d’énergie fossile non couvertes par le marché du carbone. Un mécanisme d’ajustement à la frontière doit intégrer les importateurs dans le système et permettre la suppression graduelle des allocations gratuites sans délocalisation des installations émettrices.

Un nouvel instrument financier, le « Fonds social pour le climat », est introduit par la feuille de route. Il doit aider financièrement les ménages européens face au renchérissement attendu des énergies fossiles. Il complète le « Fonds pour une transition juste » dédié aux territoires les plus fragilisés par la transition bas carbone.

Les conditions politiques de mise en œuvre

Du fait de sa nouvelle ambition, la mise en œuvre du paquet « Fit for 55 » implique beaucoup d’habileté politique de la part des instances européennes.

Au plan externe, le projet d’ajustement carbone à la frontière est critiqué par nombre de pays tiers qui y voient une forme de protectionnisme déguisé en vert. Il faudra les convaincre qu’il s’agit bien d’agir pour le climat et non pas de fermer l’accès au marché européen.

Au plan interne, la nouvelle feuille de route climatique soulève des objections importantes en Europe orientale ou l’objectif du -55% n’y est accepté que du bout des lèvres. Les pays d’Europe de l’Est le considèrent comme trop exigeant et réclament davantage de compensions financières. Il subsiste également de sérieuses différences d’appréciation entre la France et l’Allemagne sur le volet énergétique, en particulier sur la place à donner au nucléaire et au gaz naturel.

Il faudra également compter avec les acteurs non étatiques. Les entreprises industrielles les plus affectées par la hausse du prix du quota de CO2 mettent en avant les risques de perte de compétitivité. De leur côté, les ONG critiquent le paquet pour son ambition insuffisante et contestent certains de ses volets comme l’extension du marché carbone aux émissions du transport terrestre et des bâtiments.

Pour aller plus loin :  

Commission Européenne, Le pacte vert pour l’Europe, COM(2019) 640 final, décembre 2019
Commission Européenne, « Fit for 55« , COM/2021/550 final, juillet 2021

Plus d’information sur le livre : Climat, trente mots pour comprendre et agir

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