
Sur le site Our World in Data, Max Roser illustre son très bon article « The Argument for a Carbon Price » par un graphique comparant les évolutions du PIB par habitant et de l’empreinte carbone de certains pays dont la France. Beaucoup de lecteurs français sont incrédules face à l’évolution de l’empreinte carbone figurant sur le graphique. C’est l’occasion de revenir sur ce point, déjà évoqué dans notre abécédaire.
Rappelons les concepts :
- L’inventaire national des émissions de gaz à effet de serre calcule les émissions sur le territoire national, à partir de méthodes validées par le GIEC et contrôlées par l’organisme techniques des Nations Unies en charge du suivi de la Convention de 1992 sur le climat.
- L’empreinte carbone nationale s’obtient à partir de cet inventaire en ajoutant les émissions indirectes incluses dans les importations et en retranchant celles incorporées dans les exportations de marchandises produites sur le territoire. Cette empreinte de consommation mesure les émissions résultant de la demande finale de biens et services.
Ce calcul peut être fait pour l’ensemble des gaz à effet de serre couverts par la convention climat de 1992, ou pour le principal d’entre eux : le CO2. L’article de Max Roser porte sur le seul CO2 en excluant les rejets ou absorptions liées à l’usage des sols. Nous avons fait l’exercice de refaire ses calculs pour la France, en utilisant les sources suivantes :
- Population : Roser utilise la base de données de l’ONU. Nous avons utilisé la série de l’INSEE qui incorpore la population métropolitaine et celle des territoires ultramarins.
- PIB : Roser utilise la série de la Banque Mondiale, nous avons utilisé celle de l’INSEE.
- Emissions territoriales : Roser utilise les chiffres du Global Carbon Budget qui eux-mêmes reprennent ceux de l’inventaire national établi par le CITEPA ici utilisés.
- Empreinte CO2 : Roser utilise la série du Global Carbon Budget, la seule disponible sur la période 1990 à 2018. Nous l’avons également utilisée.
A partir de ces sources, je vous propose de regarder le graphique ci-dessous que nous pouvons comparer à celui de Rosen :

PIB/hab : + 36% ; Empreinte CO2 : – 23% ; émissions CO2 : -28%
Notre graphique confirme celui de Rosen, en renforçant même légèrement le diagnostic d’une décorrélation entre le PIB qui augmente un peu plus vite quand on reprend la série de l’INSEE et l’empreinte par habitant qui recule un chouia plus rapidement.
Concernant le CO2, un examen plus attentif révèle que l’empreinte par habitant ne baisse pas entre 1990 et 2008 alors que les émissions par habitant reculent. Durant cette période, un écart s’est creusé entre les émissions territoriales et l’empreinte. Il y a ensuite une diminution des émissions territoriales et de l’empreinte par habitant, le recul de l’empreinte étant un peu plus prononcé que celui des émissions territoriales. Le tableau ci-dessous vous donne les chiffres correspondants pour les trois années 1990, 2008, 2018 :
PIB/Hab. | Emissions CO2 /Hab. | Empreinte CO2 /Hab. | |
1 000 €/Hab. | Tonne/Hab. | Tonne/Hab. | |
1990 | 24,8 | 6,9 | 8,6 |
2008 | 32,6 | 6,2 | 8,5 |
2018 | 33,6 | 5,0 | 6,6 |
Notre calcul confirme bien le recul de l’empreinte carbone entre 1990 et 2018. Concernant le lien avec le PIB, le constat est le suivant : entre 1990 et 2008, il y a eu une décorrélation relative : la croissance du PIB a été plus rapide que celle de l’empreinte qui s’est accrue au rythme de la croissance démographique. Depuis 2008, il y a une décorrélation absolue, le croissance du PIB s’accompagnant d’une diminution de l’empreinte.
Le véritable enjeu pour la décennie qui vient est d’accentuer cette décorrélation, ou de freiner ou inverser la croissance du PIB si cela n’apparaît pas possible. Faute de ce type d’ajustement, notre empreinte carbone nationale ne baissera pas au rythme requis par nos engagements climatiques.
Télécharger les séries statistiques :
Lire l’article The Argument for a Carbon Price
Consulter l’abécédaire : E… Comme Empreinte carbone
Retour à l’accueil.