COP26 : l’initiative US/UE sur le méthane

Depuis 2010, les émissions de méthane augmentent au même rythme que le CO2

COP26 : J3 Le partenariat Etats-Unis/Union Européenne sur le méthane a été rejoint par 102 pays au troisième jour de la COP. C’est une excellent nouvelle, même s’il manque à l’appel quelques très gros émetteurs. La réduction précoce des émissions de méthane fait partie des actions qui permettent de freiner le plus rapidement le réchauffement global.

Pourquoi l’annonce est prometteuse

Les émissions de méthane sont plus difficiles à estimer que celles de CO2 d’origine énergétique. Leur montant exact fait l’objet de débats très techniques. Nous reprenons ici les chiffres fournis par l’étude de l’agence néerlandaise de l’environnement (PBL) conduite en partenariat avec le centre de recherche de l’Union Européenne (JRC) : Trends in global CO2 and total greenhouse gas emissions.

Les émissions mondiales de méthane ont légèrement diminué dans les années 90. Entre 2000 et 2010, elles ont augmenté nettement plus lentement que celles de CO2. Depuis 2010, elles s’accroissent au même rythme (voir graphique ci-dessus).

Or le méthane est un gaz à effet serre à pouvoir de réchauffement (mesuré sur 100 ans) de 28 à 30 fois supérieur au CO2. Surtout, il séjourne beaucoup moins longtemps dans l’atmosphère : en moyenne de l’ordre de 12 ans. Un action sur les émissions agit donc bien plus rapidement sur le stock présent dans l’atmosphère que dans le cas du CO2.

Depuis l’ère préindustrielle, le stock de méthane dans l’atmosphère a augmenté de 156%, soit plus rapidement que celui de CO2. Le 6ème rapport du GIEC estime à 0,5°C sa contribution au réchauffement global. Une action précoce de réduction pourrait donc avoir un impact très important sur le réchauffement à l’horizon 2050. Le rapport de l’UNEP Emission Gap estime qu’une action précoce d’envergure pourrait le réduire de 0,3°C.

Les conditions de réussite

L’initiative conjointe US-EU avait été annoncée le 11 septembre, avant le démarrage de la conférence. L’annonce faite le 2 novembre était donc attendue. Elle précise que 103 pays ont rejoint l’initiative (dont les 27 membres de l’Union Européenne). Mais de très gros émetteurs manquent à l’appel : Chine, Inde, Russie, Australie et Iran si on se limite au top10 (tableau). Les partenaires de l’initiative ne couvrent qu’environ 40% des émissions mondiales.

L’élargissement du partenariat est donc une première condition de réussite. La seconde concerne le type d’action qui permettra d’atteindre l’objectif affiché de réduction de 30% des émissions de d’ici 2030. A ce stade, seuls les Etats-Unis et l’Union Européenne ont fourni des indications sur ce qu’ils comptaient faire. Dans les deux cas, cela passe par un renforcement des régulations qui devrait être opérationnel à partir de 2023 (dans le meilleur des cas).

Pour que le partenariat morde réellement sur les émissions, il faudra que les autres gros émetteurs de la coalition (Brésil, Indonésie, Nigéria) précisent également les moyens réglementaires et financiers qu’ils peuvent mobiliser.

Les trois gisements de réduction

L’estimation du potentiel de réduction des émissions de méthane doit tenir compte des sources d’émission qui se regroupent en trois catégories principales :

  • Les émissions provenant de l’exploitation des énergies fossiles représentent de l’ordre de 36 % du total soit 3,5 Gt d’équivalent CO2. C’est le gisement de réduction le plus facile à exploiter à court terme. Les technologies à mettre en œuvre sont connues. Elles consistent à éviter les fuites (émissions dits fugitives) lors de l’extraction et du transport du gaz, à correctement fermer les gisements épuisés et à récupérer le méthane dans les mines de charbon (par ailleurs à l’origine d’explosions très dangereuses). Les freins à leur utilisation sont purement économiques : en l’absence de tarification du carbone, ces coûts abaissent la rentabilité des opérateurs.
  • L’agriculture a la contribution la plus importante : de l’ordre de 4,2Gt d’équivalent CO2 soit 43% du total. Pour près des trois-quarts, elles résultent de l’élevage des ruminants et pour le reste de la riziculture. La réduction de ces émissions sera la plus difficile à obtenir. On peut dans une certaine mesure réduire les émissions des ruminants en jouant sur leur alimentation, mais les gains sont limités. Reste la voie d’une réduction des cheptels. Dans le cas de la riziculture, la pratique ancestrale de l’inondation des rivières permet d’accroître les rendements et contribue à la sécurité alimentaire de plus de la moitié de la population mondiale.
  • Le traitement des déchets est le troisième poste d’émission : 2,1Gt d’équivalent CO2 soit 21% du total. Ces émissions résultent de l’enfouissement des déchets organiques. Pour l’essentiel cet enfouissement correspond à la la fin du cycle de vie des produits alimentaires. Les techniques de réduction des émissions sont connues et faciles à mettre en œuvre pour les nouvelles décharges : il suffit de les équiper de récupérateurs de gaz, ce qui est devenu une contrainte légale dans un nombre croissant de pays. Il est en revanche plus compliqué d’agir sur les décharges qui n’ont pas été initialement conçues pour cela et dont les émissions s’étalent sur plusieurs décennies.

D’ici 2030, il est probable que les premières actions de réduction engagées s’attaqueront aux gisements les plus faciles de réduction. Ils concernent principalement les émissions liées aux énergies fossiles et, à un moindre degré, celles résultant de la gestion des déchets. Des actions volontaristes axées sur ces deux gisements permettraient d’atteindre l’objectif visé d’une réduction de 30%. Pour accentuer l’effort au-delà de 2030, il faudra bien s’attaquer aux rejets du secteur agricole qui seront les plus difficiles à maitriser.

Pour aller plus loin :

Consulter sur ce site : G… Comme gaz à effet serre dans l’abécédaire et l’article : Le CO2 et les autres

Olivier J.G.J. and Peters J.A.H.W. (202), Trends in global CO2 and total greenhouse gas emissions: 2020 report. Report no. 4331. PBL Netherlands Environmental Assessment Agency.

European Commission : Launch by United States, the European Union, and Partners of the Global Methane Pledge.

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3 commentaires sur « COP26 : l’initiative US/UE sur le méthane »

  1. Concernant le méthane, ne faut-il pas s’inquiéter bien davantage du terrible dégel (extrêmement difficilement réversible !) des immensités de pergélisols, notamment des zones russes et canadiennes arctiques ? Ces dégels en cours et en totale accélération => libérant du méthane <= ne vont-ils pas dépasser rapidement les 3 sources de méthane, dites essentielles… ici listées, et ruiner tous nos futurs/maigres efforts de réductions d'émissions envisagées à leur sujet ?

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    1. Merci de votre commentaire. Sur le site vous trouverez deux références sur le permafrost : dans l’abécédaire P… Comme permafrost et l’article sur le réservoir de microbes et de GES présent dans le permafrost.
      BIen cordialement et bonne journée

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